Jean et Marie Claude (petite histoire)
- Par guy sembic
- Le 14/04/2020 à 07:16
- Dans Anecdotes et divers
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… Émile avait un copain qui s'appelait Lefert... Jean Lefert.
On lui avait donné ce surnom « Fil de fer » parce qu'il était sec et maigre, aussi fin qu'un fil de fer.
Il fantasmait sur les filles grosses, très grosses, disant qu'avec ces filles là, au moins il y avait de quoi pétrir, s'y perdre dedans, ça lui donnait un sentiment de sécurité, de plénitude …
Émile connaissait une Marie Claude, que dans les bals où il se rendait avec des copains, personne n'invitait à danser, qui faisait tout le temps tapisserie, grosse comme une dondon, si grosse qu'elle en était difforme, pesant peut-être plus de 140 kilos...
La Marie Claude elle était gentille, sérieuse, avec un coquet livret d'épargne, une petite voiture, un joli appartement bien arrangé, et un trousseau pour « quand elle se marierait ». Elle allait aussi le dimanche, à la messe et elle avait un album où on la voyait en photo avec des bonnes sœurs et des curés...
Il arrivait parfois qu'un mec un peu plus sympa que les autres, l'invite à danser un slow, c'était la seule danse possible pour Marie Claude, hors de question qu'elle se « tortille le derrière » ou qu'elle se hasarde en une lambada...
Émile avait pensé à présenter Marie Claude à « Fil de fer »... Cependant, « Fil de fer » était un anarchiste, il invitait la nuit dans son logement de l'immeuble où il demeurait, toute une bande de copains aussi turbulents et déjantés que lui ; il faisait avec ses copains, une « java à tout casser » jusqu'à des 4 ou 5h du matin, avec de la musique techno qui « déménageait », des bouteilles de gnôle et de la came, des filles...
Le copain Lefert, il faut dire aussi qu'il haïssait les flics, les curés, l'armée et les gouvernements...
Un jour, c'était en mai 68, lors d'une manif quai de la Rapée là où à cette époque il y avait encore l'Arsenal ; le copain Lefert qui faisait son service militaire dans un bataillon disciplinaire, avait réussi à piquer un énorme camion GMC muni à l'avant d'un treuil et d'une chaîne de très gros anneaux de fer... Avec d'autres manifestants, il avait enroulé la chaîne autour des barreaux de la grille de l'Arsenal, puis, au volant du GMC en marche arrière, il tirait et les barreaux commençaient à plier, de telle sorte que l'accès à l'Arsenal -et aux armes- allait être possible à la foule décidée à prendre d'assaut l'Arsenal...
Mais l'opération avait finalement échoué parce que dix cars de flics venaient de surgir sur la place de la Bastille et que les manifestants furent dispersés...
Contrairement à toute attente, la rencontre entre Marie Claude et Jean, se passa très bien, c'est à dire que le copain Jean fut littéralement secoué d'émotion et de régal à la vue de Marie Claude, et qu'il parvint à lui faire « prendre du bon côté » son anarchisme déjanté... (Il faut dire aussi que Jean était « un peu poète à sa manière »)...
… Quelques années plus tard, lors d'une sortie en vélo dans une descente dangereuse en vallée de Chevreuse, sans casque et « à fond la caisse » Jean rata un virage et son crâne éclata en heurtant un rocher surplombant un fossé...
Marie Claude qui depuis son mariage chérissait son Jean toujours aussi fil de fer en dépit des bons petits plats qu'elle servait chaque jour, ne voulut plus entendre parler d'un autre mec dans sa vie...
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