L'intime à l'ère du smartphone et des réseaux sociaux
- Par guy sembic
- Le 04/10/2022 à 07:39
- Dans Chroniques et Marmelades diverses
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… L’ère du smartphone et des réseaux sociaux (principalement et de loin, Facebook et Instagram) n’a rien à voir, question de durée dans le temps, à une ère géologique…
Les ères des temps modernes – en gros depuis la fin du 20ème siècle- sont celles des technologies nouvelles de l’information, de la communication, des échanges, de la diffusion de tout ce qui se produit et peut se montrer, au plus grand nombre possible de gens dans un espace « planétaire »…
L’ère du smartphone et des réseaux sociaux Facebook et Instagram, expose le privé, l’intime, à la vue et au su de ce qu’il est convenu d’appeler des « amis » mais en fait, et de fait, aux « amis des amis », lesquels « amis des amis » ont leur liste d’ « amis », de telle sorte que le paysage des connaissances qui devrait être celui des amis proches et de la famille, voit son horizon s’élargir quasi indéfiniment…
Dans les années d’après mai 1968, en gros durant la décennie 1970 et dans celle des années 1980, l’intime (plus précisément ce qui concerne le couple dans son intimité, ainsi que ce qui concerne la vie sexuelle, extra conjugale, les fantasmes) était alors le symbole de l’émancipation, de la liberté de mœurs, dans une société « décorsetée », décomplexée, de disparition des contraintes et interdits, où désormais l’individu pouvait s’épanouir, se montrer, s’afficher en public sans se soucier si tel ou tel comportement, telle manière d’aborder le « partenaire » pouvait être « mal perçu », choquer, être considéré « inconvenant »…
L’intimité – de chacun, du couple – n’a cessé, après 1980 et encore plus à partir des années 2000, de se reconfigurer en fonction de l’évolution des modes de vie, du rapport à l’autre dans la rencontre, dans la relation, pour en arriver aujourd’hui à une configuration qui ne s’articule que dans un individualisme exacerbé où l’apparence domine avec la hâte de « profiter », de « se mettre en scène » et « en valeur »…
L’émergence de technologies nouvelles et inédites, permettant de se voir sur un écran de smartphone – et bientôt de se toucher – et en même temps de se mettre en scène accompagné ou non d’acteurs auprès de soi, et à la vue de plusieurs personnes en communication partagée ; configure désormais l’intime dans un espace sans limites…
Mais l’intime dans un espace sans limites et accessible à tous, c’est de l’intime qui cesse d’être singulier, qui devient banal dans la mesure où il s’accole à de l’intime démultiplié et tout autant exposé et mis en scène ; et dont il ne ressort que de l’effet, de l’effet immédiat et très vite balayé…
Dans le cinéma, dans le théâtre, dans la littérature, dans la poésie, dans le roman, et même si l’on veut dans le récit autobiographique ou d’autofiction… L’intime, à partir du moment où il est représenté, scénarisé – sans pour autant être révélé comme il peut l’être dans un post vidéo sur Facebook – peut se faire « œuvre »…
En « scoop du jour » ou en « story » sur Facebook, l’intime exposé ne se fait jamais « œuvre »…
Pourquoi l’intime est-il aujourd’hui, de par le monde, et notamment dans le monde occidentalisé, autant exprimé, exposé, mis en scène et occupe-t-il pour ainsi dire plus de 80 % de l’espace de communication et de production d’écrits, de photos, de vidéos, de clips, sur les réseaux sociaux ?
Est-ce une question d’évolution des modes de vie, une question d’individualisme « boosté » par les besoins, les aspirations, les intérêts, les motivations de chacun, tout cela amplifié par les technologies de communication ?
Pourquoi l’intime tend-il à se faire « œuvre » alors qu’il n’est pas, hors des domaines du cinéma, du théâtre, de la littérature, de l’art en général… « œuvre » ?
Ce sont bien là des questions que les témoins et que les acteurs de notre temps que nous sommes – et qui « s’existent eux-mêmes plus qu’ils n’existent les autres », ne se posent quasiment jamais… Pas plus d’ailleurs qu’ils ne se posent les « questions essentielles » sur le sens de leurs activités, sur le sens de la relation humaine, sur le sens de la vie, sur le devenir de la société et de la civilisation humaine, sur la substitution de l’école de la transmission des savoirs et des savoir-faire par l’école du développement personnel dans la compétition en vue du résultat, de l’efficacité, du profit, de la distinction, avec pour conséquence l’émergence d’une « diaspora » de dominants et de décideurs , et la relégation des masses humaines, dans ces « bagnes de Pangée » que sont les espaces commerciaux et de loisirs à perte de vue, ou dans les cités – ghettos de tours et de barres d’immeubles… ( Pangée : ancien grand et unique continent sur la Terre au début de l’ère primaire… Et « nouveau grand continent » du monde d’aujourd’hui, celui là de la mondialisation économique, civilisationnelle et sociale)…
… L’on entend dire, de l’époque « post soixante huitarde », qu’elle était un temps où l’on pouvait « baiser à couilles rabattues »…
C’est à voir… Ou à revoir, à reconsidérer… En tant que témoin que l’on fut, à l’époque, de ce qui infirmait cette « pseudo vérité »…
Soit dit en passant, les années SIDA d’après 1980, ont « mis un bémol » à la liberté sexuelle…
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