Le dragorek
- Par guy sembic
- Le 11/04/2016 à 08:31
- Dans Chroniques et Marmelades diverses
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Un langage et une culture dont les caractéristiques et les signes sont la dissidence, la fragmentation, l'éclatement en agglomérats plus ou moins reliés entre eux, le tout formant un ensemble disparate, inorganisé, incohérent ; s'articulant sur un sens dévié des mots, sur une "grammaire" tout aussi déviée que le sens des mots, sur un vocabulaire n'appartenant plus de près ou de loin à une langue, que ce soit la langue française ou une autre langue parlée et écrite en Europe notamment... Sont en train depuis ces toutes dernières années de se mettre peu à peu en place dans notre pays, en France, mais également partout en Europe. Cette culture et ce langage gagnent la jeunesse des villes, des banlieues, et des campagnes même ; elle "prend racine" et s'étend à partir des cours d'école, de collège et de lycée, à partir de la rue, de tous les lieux où les jeunes se retrouvent entre eux formant des "clans", des sortes de "tribus"...
Cette culture et ce langage sont comme un tissu cellulaire d'une stucture différente (si l'on peut appeler "structure" ce qui caractérise et compose ce tissu) , un tissu cellulaire qui remplace peu à peu le tissu qui avait jusqu'alors existé et qui constituait la base du corps social (du corps culturel et social dans sa diversité naturelle)...
Cette culture et ce langage sont en rupture et en opposition (et surtout en séparation) de plus en plus marqués avec la culture et le langage de la pensée, de la réflexion, du principe du débat contradictoire mais constructif, de l'approche de la connaissance et de la conscience en soi des valeurs intemporelles, des valeurs fondant la relation, le partage, la coexistence...
Ainsi la culture de la pensée et de la réflexion cesse d'être lisible, cesse d'être recevable, et devient elle inaudible, suscitant même jusqu'à un rejet total, de la même manière que le rejet que pourrait susciter l'arrivée d'une intelligence extraterrestre...
Je lui donne pour nom, pour vocable, à cette culture et à ce langage dont les signes sont la dissidence, le sens dévié des mots, la grammaire tout aussi déviée et un vocabulaire n'appartenant plus ni au Français ni à une autre langue connue parlée et écrite... Le dragorek...
... Ce dragorek -c'est la question que je me pose avec gravité, avec toute l'émotion qui est la mienne lorsqu'au delà de l'horizon de ma réflexion, de toute réflexion d'ailleurs, je ne vois plus justement un horizon mais un espace tel un ciel à ras de terre tout empli d'une brume qui tremble et lumine...
Ce dragorek donc... Faut-il le combattre et le traiter comme combattaient et traitaient ce que la civilisation de la Rome antique et les légions romaines appellaient les barbares ?
D'un côté, le côté encore du plus grand nombre (je dis bien "encore") qui est le côté de celui des gens tels que vous ou moi, qui ont connu au moins en partie (dans leur enfance) le monde d'avant le début du 21 ème siècle ; le côté aussi, des gens qui ont la chance -si l'on peut dire- d'avoir un toit, un travail, qui jouissent d'un confort et d'une sécurité relatifs... Et qui, assez souvent on peut le constater, demeurent plus ou moins "crispés" sur les valeurs auxquelles ils sont habitués et qui fondent leur culture, demeurent des "nostalgiques" d'un temps dont ils se souviennent...
Du même côté on peut dire aussi, de ce côté là donc, les "donneurs de leçons de morale", les "fustigeurs", les "anti tout ce qui les dérange" ; et bien sûr les élites (les politiques, les économistes, les intellectuels "ayant pignon sur rue", les gens de la Télé et des médias) qui ont tous, plus ou moins en face du dragorek, la même crainte et le même rejet que la civilisation et les légions de Rome avaient des barbares...
D'un autre côté -mais à vrai dire on ne sait vraiment lequel- l'on trouve des intellectuels, des journalistes, des gens de télévision et des artistes ainsi que quelques personnages "truculents" faisant entendre leur voix dans l'ostentatoire, quelques "trublions" plus ou moins "récupérés par le Système", qui, d'une certaine manière, versent dans le dragorek, mais à leur manière et par "effet de mode" notamment lorsqu'ils diffusent à tout va, nombre de tweets et de commentaires sur les réseaux sociaux, qui "en foutent plein la vue" à leurs "followers"...
Enfin, du côté du dragorek l'on trouve toutes ces populations de gens que la civilisation de progrès, de consommation de masse de loisirs et de jeux, a délibérément "laissé sur le carreau" dans une hypocrisie aux relents de mayonnaise éventée et de saumure de cornichon.
Dans la réalité que nous vivons présentement, dans la réalité des années qui viennent, il va bien falloir bon gré mal gré, que nous nous préparions à survivre avec ce dragorek partout autour de nous... Survivre... avant de pouvoir un jour... vivre de nouveau...
... Le dragorek en dépit de tout autant que ce que l'on croit d'une part, et de tout ce qui est réel d'autre part ; ne mène pas de combat ni de "guerre sainte", n'a pas de morale ni de pensée ni d'idéologie, n'a pas de stratégie ; il est un langage et une culture dans toute sa diversité, sa multiplicité clanique ; un langage et une culture en rupture plus encore qu'en opposition, avec le langage et la culture de la pensée, de la connaissance et de la réflexion, qui eux, ont une grammaire, des dictonnaires, plusieurs siècles de tradition et de règles, de principes... Mais aussi hélas surtout depuis que notre civilisation occidentalisée mondialisée en déliquescence (en gros depuis le début du 21ème siècle) mène un combat qui ressemble à une guerre de religion...
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