Les braves gens

... Ils ne sont pas « chiens » pour deux sous, ces braves gens  ! Ils sont polis, ils t’écoutent, ils sont prévenants, ils te concèdent même quelques travers, voire quelques obscurités… À l’exception de quelques trublions...

Ils ont cette largesse d’esprit que leurs lectures et leur éducation leur ont forgé…

La dureté du monde retenue de ce qui la modère, éclipse quelque peu ce qui la rend insupportable, cette dureté...

C’est fou le nombre de gens « corrects » et même gentils, que l’on rencontre !

C’est fou les propos, les gestes et les comportements de civilité qui, telles des lècheries et des pourlècheries, font penser à des chiens se rencontrant, se tournant autour, tirant sur la laisse qui les retient, se sentant le derrière, se transmettant ainsi leurs "civilités"…

Les Humains ne se sentent pas le derrière… Du moins pas en public. Ils se font la bise, se serrent la main, s’échangent leurs horoscopes, devisent sur des sujets d’actualité, de recettes de cuisine, de jardin et de météo...

Ces braves gens sont tous les mêmes !

Mais dès qu’ils se sentent dérangés dans leur sensibilité, dans leurs repères, dans leurs croyances, alors ils froncent, ils plissent, ils font un pas sinon deux en arrière.

Oh, que je les comprends, ces braves gens !

Ce "regard au delà du regard" qui "démarque", surprend... Ne serait-il, porté par quelques uns de ces braves gens, qu'une vue de l’esprit, une supercherie ?

Faut-il être écrivain, philosophe, poète, visionnaire… Et que sais-je encore, pour être si différent que cela, de ces braves gens ?

Un mot prononcé, mal venu ; un geste inconsidéré, un écrit dérangeant publié sur la Toile au vu et au su de tout un chacun ; une rupture sans ménagement pour un motif fallacieux ; la connaissance d'un fait noir concernant telle ou telle personne en particulier, un ami même...

C'est déjà ce qui exclut, écarte, éloigne, déconsidère, entraîne la chute... De "l'icône"...

Mais... Un lit d’hôpital, des appareillages médicaux, un visage ravagé… Et c’est le désert ! Fini les « sentisseries », les bises et les regards pieux !

Ou une grosse bêtise commise... Même désert !

Oh, que je les comprends, ces braves gens ! Dont certains sont des amis, une mère, un père, un frère ou une sœur même !

« Soft, soft, soft… Chic et classe, la grande parade, la reconnaissance, les civilités, la convivialité, la gentillesse… » Tant que ça marche droit ! Ou à peu près droit ! Comme on le croit, comme on le sait, comme on nous l’a appris...

La chute de "l'icône" par accident, par abîmement, par quelque coup du sort, ça, c’est un « mécanisme » que l’on conçoit, que l’on identifie… Mais, comme on dit : « au pied du mur » c’est une autre histoire !

Il est de ces déchéances, de ces décrépitudes, de ces handicaps et de ces fins de vie qui n’ont plus de visiteurs…

Nous sommes des êtres fragiles. Fragiles en dépit de tout ce qui fait notre force, notre crédibilité, notre rayonnement…

On ne guérit pas de la fragilité comme on guérit d’un rhume par exemple. D’ailleurs, faut-il en guérir, de la fragilité ? Qu’en serait-il de ce qu’il y a d’humain en nous si l’on en pouvait d’un seul coup guérir, de cette fragilité ?

Comprendre la complexité du mécanisme de la chute, identifier les rouages du mécanisme, c'est là tout ce que l'on peut s'efforcer de faire...

Accompagner jusqu’au bout la souffrance et la solitude de l’autre lorsqu’il ne reste rien de ce qu’il fut du temps où il plaisait et rayonnait... Par de la gentillesse et de l’affection encore communicables par des gestes, c’est là tout ce que l’on peut faire contre cette fragilité qui nous emporte...

Ces braves gens sont tous les mêmes ! Mais oh, que je les comprends !... Sans pour autant me sentir solidaires de certains d'entre eux, qui ont oublié qu'ils sont des êtres fragiles et ont voulu "faire un peu trop les cadors"...

 

 

 

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