Les vivants et les morts

     “Les vivants et les morts”, de Gérard Mordillat... Voilà un livre que toute personne salariée d'une entreprise privée ou publique, devrait lire.

L'auteur ne “fait pas dans la dentelle” par ce livre de huit cents pages pouvant se lire en trois jours ou même moins...

Nous sommes là dans une réalité crue et nue, du monde du travail. Il me paraît bien difficile de contester, ou de ne pas être d'accord avec ce que présente Gérard Mordillat dans ce récit, tant la vérité s'impose d'elle même.

Nous savons tous, en fonction de notre expérience personnelle ce qu'est le monde du travail, de l'entreprise, des affaires... Mais en lisant “les vivants et les morts” de Gérard Mordillat, c'est comme si l'on pénétrait dans la salle des machines de ce “bateau-planète” qui emporte femmes, hommes et enfants dans ses flancs et sur ses ponts, puis finit par rejeter les êtres tels des ballots dont les capitaines n'ont que faire, le long de rivages nus et rocheux d'îles perdues...

Absolument effrayant... Et vrai, ce qui se passe dans la salle des machines! Et les commandes n'y sont pas! Les commandes sont ailleurs, très loin des ballots déchirés ou crevés abandonnés sur les rivages rocheux des îles perdues! Les commandes sont sur d'autres îles, des îles-forteresses bâties de résidences somptueuses, de casinos et de palaces, creusées d'abris coffres-forts...

Comme nous sommes loin, avec “les vivants et les morts”, des productions mélodramatiques et sirupeuses de toutes ces “collections de littérature de gare”, ou même de ces auteurs “amusants, gentillets et émouvants” de romans de terroir!... Qui eux, ne parlent jamais de ce monde de finance obscène et de prédation à grande échelle!

Le temps des seigneurs du moyen âge, le temps des aristocrates et des prélats possédant d'immenses domaines, le temps des « deux-cents familles », le temps des grands patrons d'industrie des 19ème et 20ème siècles... Est désormais dépassé : ce sont les fonds de pension américains, les banques et les géants de la finance mondiale, qui gèrent, achètent et vendent les usines, les bureaux, les groupes d'entreprises industrielles, commerciales ou immobilières... L'on achète « tout le lot » ou tout le groupe... et l'on « fait le ménage » afin de dégager le plus de rentabilité et de bénéfices possible, au seul profit des actionnaires... Ainsi s'écroulent des pans entiers de l'industrie d'un pays, ainsi « survivent » en situation de surchauffe et de pression accrue, de licenciements de salariés et de « restructurations », de déménagements de machines et de personnes, d'aménagements de temps de travail, d'objectifs à atteindre... oui ainsi « survivent » - un temps indéterminé mais forcément assez court- quelques « boîtes » de ci de là...

Et c'est dans ce contexte là, dans cet environnement économique et financier, dans ce ballet infernal de transactions entre grands empires de banques, d'assureurs et de sociétés immobilières... Que le gouvernement de la France décide de réformer les retraites... et bientôt la sécurité sociale !

Le film de télévision en huit épisodes, sur France 2, une adaptation du livre de Gérard Mordillat « Les vivants et les morts », ouvrira peut-être les yeux de tous ceux et celles d'entre nous (en France et ailleurs) qui pensent encore qu'avec « de l'huile de coude », une ou deux heures par jour en plus, ou en venant le dimanche et en arrêtant à 62 – ou pourquoi pas 70 ans- on s'en sortira !

Les gouvernements, les syndicats, les partis politiques, les élus locaux ou régionaux... Et les « petits chefs », « jeunes loups » et autres « costard-cravate »... tout comme les salariés de diverses qualifications... Ne sont que des marionnettes ou des mouchoirs jetables en face de ces hordes anonymes de seigneurs de la finance mondiale !

Alors que faut-il faire? Que peut-on faire ?

Ce ne sont pas seulement les manifestations de rue – quand bien même elles seraient de dix millions de gens en 300 cortèges dans un pays tel que la France – qui font les révolutions... Les révolutions se font sur les lieux même où s'exerce le pouvoir (le pouvoir politique, ou le pouvoir financier, ou le pouvoir de ceux qui possèdent et décident)... Ce sont donc ces lieux là où est barricadé le pouvoir, qu'il faut investir et prendre d'assaut !

Les révolutions ne se font pas par des bris de vitrine dans une rue commerciale ni en brûlant des voitures sur le parking d'une cité ni en arborant des drapeaux de syndicats sur le fronton d'une préfecture... Ni en menant des actions (de « casse » ou de protestation) sans envergure n'ayant d'autre effet que d'exprimer du simple mécontentement ou de la lassitude...

L'intermédiaire – si je puis dire – entre la manif « un peu musclée » et la prise d'assaut des lieux du pouvoir... C'est peut-être par exemple, le blocage des péages d'autoroutes (autour précisément des bretelles d'entrée-sortie des croisements d'axes importants), le blocage des raffineries, le blocage des dépôts des grands transporteurs routiers...

Affaiblir par des actions efficaces et déterminées, le pouvoir de la finance, réduire ces marchés insolents et toute cette surconsommation, à un champ dénudé où par la désertion, par la fuite d'une population entière, presque plus rien ne pousse... Le risque c'est que cessent les approvisionnements, que s'instaure une pénurie généralisée par laquelle nous aurions tous à souffrir dans notre vie quotidienne... Et c'est sans doute là, le prix à payer dans le présent... pour ne pas avoir à payer durant des dizaines d'années sous la forme d'une « traite » régulière, croissante et implacable, un prix plus élevé encore !

La finance, les actionnaires et le pouvoir, alors étranglés et acculés, n'auraient d'autre choix que de négocier, de céder du terrain et de se voir désormais privés en grande partie des moyens leur permettant de se « refaire » comme avant...



Les révolutions se font – en partie – sur le modèle des révolutions qui se sont faites dans l'histoire (récente ou ancienne)... Mais sans en reproduire les effets indésirables ou pervers... Une révolution c'est une expérience ancienne et nouvelle : ancienne parce qu'elle se fonde sur des principes, sur des bases et sur des agissements passés ; et nouvelle parce qu'elle se fonde aussi sur une connaissance du réel et du présent, sur des événements et sur une actualité qui n'ont pas de précédent dans le passé, du moins pas le même précédent...

 

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