Les yeux jaunes des crocodiles, de Katherine Pancol
- Par guy sembic
- Le 04/05/2012 à 09:27
- Dans Chroniques et Marmelades diverses
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Après "Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi", je lis ces jours-ci "Les yeux jaunes des crocodiles", du même auteur...
L'on y rencontre les mêmes personnages, mais quelques années plus tôt, à savoir Joséphine, Shirley, Iris, Josiane, Marcel, Zoé et Hortense les filles de Joséphine, et Antoine le mari de Joséphine, Philippe le mari d'Iris... Et le "Cure-dents", et "Chaval"...
Je livre ici, un passage de ce livre, pages 234 et 235, qui m'a particulièrement interpellé...
Cela se passe le matin de l'ouverture des soldes, au premier étage de la maison Givenchy (comme chacun sait "une grande marque") :
"Une main aux griffes rouges et acérées vint se planter dans celle d'Iris qui poussa un cri et envoya, sans se retourner, un coup de coude furieux dans les côtes de l'assaillante qui couina de douleur.../...
La main rouge traînait encore, tentant d'agripper, au hasard des poussées, ce qui se trouvait à sa portée (il s'agissait précisément d'un petit ensemble en soie crème ourlée de ganse marron, repéré par Iris)...
Iris appuya de toutes ses forces avec le fermoir de sa gourmette et lui lacéra la peau. L'odieuse poussa un cri de bête blessée et retira sa main précipitamment. .../...
Que ces femmes sont redoutables, lâchées dans la jungle des soldes! Elles avaient attendu une heure et demi sous la pluie battante, chacune serrant dans sa main le précieux carton qui lui permettait l'accès au saint des saints, une semaine avant Noël, en soldes extrêmement privés. Happy few, quantité limité, occasions à saisir, prix sacrifiés. .../...
Des femmes d'industriels, de banquiers, d'hommes politiques, des journalistes, des attachées de presse, des mannequins.../... La voracité brillait dans leurs yeux. L'avidité, la peur de manquer, l'angoisse de passer à côté de l'article qui changerait leur vie! .../...
Huit mille quatre cent quarante euros, dit la vendeuse en commençant à plier les articles dans de grands sacs en papier blanc au sigle de Givenchy. Iris tendit sa carte... (une carte GOLD, l'équivalent de "Visa premier" -600 euros de cotisation annuelle-)...
En fait, on le découvre une page plus loin, la main aux griffes rouges et acérées est celle de Caroline Vibert, l'avocate qui travaille auprès de Philippe, le mari d'Iris...
... Certes, ces gens là, de "ce monde là"... Ne représentent qu'une petite partie de la population française...
Mais il y a les autres, et qui eux, sont des millions... Et qui courent, se bousculent dans les magasins de différentes marques, et utilisent des cartes de crédit... avec la même voracité, la même avidité, la même peur de manquer, de ne pas être à la mode...
... Happy few, happy few... Tel est l'un de ces mots d'ordre qui fédère une population de consommateurs de tous âges... à dire vrai une population pour l'essentiel, de gens dont le niveau de revenus si modeste soit-il (mais surtout, la réserve de crédit) demeure encore suffisant pour pouvoir acheter tous ces produits, tous ces gadgets, tous ces vêtements, tous ces équipements de loisirs.... dont la plupart d'entre eux n'ont qu'une saison de durée, sont très vite "dépassés", et que l'on retrouve un beau jour dans l'un ou l'autre des innombrables vide-grenier dans toute la France...
... Les crocodiles qui infestent le marais putride, régurgitent les débris de ce qu'ils ont fini de digérer ; et des cohortes de poules d'eau, et toutes sortes de volatiles plus ou moins déplumés aux becs fureteurs et aux pattes griffues, se gavent des débris régurgités par les crocodiles...
Et les yeux jaunes des crocodiles sont ces seules lumières, glauques et persistantes, qui dominent sur toute la surface du marais...
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