Un dimanche à Capbreton (2 février 2020)

Par une température de 24,4 degrés Celsius à 15h 30, un soleil qui, certes, n'est pas celui du mois d'Août mais encore haut à cette heure d'après midi, un ciel bleu à peine traversé par endroits, de fines écharpes blanches de cirrocumulus, à Capbreton ce dimanche 2 février, je n'avais jamais vu autant de promeneurs en face de la plage, le long des étals de pêcheurs, des restaurants du port, autour de la grande esplanade face à l'océan, de part et d'autre de l'Estacade (jetée construite en 1858) et du chenal menant à l'entrée du Gouf (une vallée sous marine au fond de laquelle serpente un profond canyon)...

Au delà de la grande esplanade et du Casino, s'étend une terrasse de café restaurant brasserie immense, de dizaines de tables toutes occupées et c'était là, tout autour, qu'il y avait le plus de monde, ainsi qu'aux tables de restauration, et des gens qui, visiblement, attendaient que se libère une table...

Une file ininterrompue de voitures roulant au pas, avançait dans la rue qui mène à la jetée et à l'esplanade, le long des étals de pêcheurs. Et dans toute la ville dans les rues et le long des maisons et résidences, il était devenu en début d'après midi, impossible de stationner, et le moindre espace libre entre deux portails d'entrée de résidence, était occupé...

De peu avant midi et jusque vers 15h, les restaurants, autant en leur intérieur qu'à leur terrasse, étaient pleins, les tables serrées les unes contre les autres et l'on voyait sur les tables des plateaux de fruits de mer, des assiettes de plats de toutes sortes, des bouteilles de vin...

Je me demandais comment tous ces gens pouvaient concevoir de passer trois heures à table, par ce beau temps incitant plutôt à la promenade le long de l'océan ou autour, ailleurs... Et surtout déjà pour s'évertuer à essayer de trouver une table se libérant après avoir cherché plus d'une heure durant, un restaurant, une brasserie où se « poser » enfin...

Tous ces menus ou formules suggestion de plats à la carte, de spécialités de poissons, de crustacés, ou de viandes accompagnées de pavés arrangés de riz, légumes, sortes de purées, les zarzuelas, paellas, bouillabaisses etc... Dont les prix affichés varient entre 28 et 40 euro ; sans compter les vins de cru, les apéritifs maison, les desserts de coupes glacées, fromages ou pâtisseries... Tous ces gens attablés, toute cette animation, ces bruits de voix, ces fragrances de plats... Tout cela ne me faisait point rêver, sans toutefois me laisser indifférent dans la mesure où je me disais que « l'air du temps » était bien celui, en cette France de 2020, d'un mode de vie consumériste en lequel le pouvoir d'achat, de dépense pour les sorties, les loisirs, a sensiblement augmenté pour beaucoup de personnes des classes dites « moyennes » et cela d'autant plus avec les réductions d'impôts consenties, conjointement à des hausses de revenus en ce qui concerne les « emplois qualifiés »...

Toute une société française qui gagne, qui profite, qui dépense, qui consomme, qui s'équipe, change de voiture, va au restaurant, part en vacances, en croisière, se loge en résidence, en maison bien arrangée, finance les études de ses enfants, roule plutôt en Sandero Stepway qu'en Sandero sans clim sans vitres électriques, voire en Duster ou en Audi... Toute une France qui « vit bien », trois douches par jour en été caniculaire sinon toute l'année, les « black fridays » de l'Avent, les soldes de février et de juillet et les promos à tout va en campagnes permanentes assorties d'annonces publicitaires ; les nouveaux films qui sortent, les réseaux sociaux où l'on dit tout et n'importe quoi à tout bout de champ et qui est plus de l'imprécation que de la réflexion ou de la pensée ; les événements sportifs foot rugby open ceci cela...

Toute cette France qu'on voit et qui se montre...

Mais...

Il y a aussi tout ce que l'on ne voit pas, qui est comme ces grands fonds océaniques emplis de silence et d'obscurité, tel ce gouf de Capbreton, une vallée sous marine creusée d'un profond canyon, de 270 kilomètres de long à travers le golfe de Gascogne jusqu'au grand large de Bilbao où il « remonte » vers le nord, de 12 à 15 kilomètres de large et dont la profondeur atteint 1400 mètres en un point et 2000 mètres en un autre point à proximité de Capbreton et en face de San Sébastian, puis 3000 mètres en face de Bilbao et 3800 mètres en sa partie évasée du nord... Soit dit en passant le Golfe de Gascogne avec ses vagues de 30 mètres en grosse tempête (les vagues les plus hautes du monde) est l'un des trois espaces maritimes les plus dangereux de la planète avec le Cap Horn – passage de Francis Drake, et le détroit de Tasmanie en dessous de l'Australie méridionale sud est...

Toute une France que l'on ne voit pas et qui souffre, faite de millions de gens exclus des mannes que sont les réductions d'impôt et les hausses de revenus, exclus des politiques d'investissement et de créations d'emplois des grandes entreprises mondialisées cotées en Bourse et paradis à dividendes qui choisissent la France depuis peu pour s'installer... Millions de gens derrière les portes et fenêtres de leurs logements d'une ou deux pièces en HLM- voire qui dorment dans la rue ou dans leur voiture, millions de gens invisibles mais aussi réels que les nombreuses et profondes ramifications du gouf de Capbreton...

 

 

 

Capbreton

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