Articles de yugcib

  • Incandescence

         "Rien ne stérilise tant un écrivain comme la recherche de la perfection"

                                                                                                           [Cioran]

     

    En fait ce que l'écrivain devrait chercher à atteindre par l'oeuvre qu'il produit, c'est une sorte d'incandescence dans laquelle il arrive à ne pas se brûler ou à ne pas se consumer... Une incandescence dans laquelle les yeux de ses lecteurs ne sont pas aveuglés...

     

  • Les déserts relationnels

         Les déserts relationnels que les humains ont étendu sur la planète en dépit des technologies de communication dont ils se sont dotés, et cela même depuis la fin du 20ème siècle surtout... Sont bien plus inhospitaliers que les déserts géographiques d'Amérique, d'Asie, d'Afrique ou d'Australie...

    Ils ressemblent, ces déserts, à des décors de palmeraies et d'oasis, assemblés sur des scènes de théâtres, et conçus pour que des pièces y soient jouées par des comédiens qui, de toute évidence, ne peuvent être qu'appréciés par les spectateurs dans le sens convenant au mieux à l'esprit, à la mode, aux engoûments du temps... ou, à la limite, dans un sens qui prend en son courant quelques mouvements inhabituels ou surprenants... Mais les décors, le jeu des acteurs, ce que voient et écoutent les spectateurs, tout cela n'apparaît qu'en "trompe l'oeil" et chacun des spectateurs assiste à la représentation de la pièce, mais demeure cependant "seul à l'intérieur de sa bulle au beau milieu de toutes les autres bulles"...

    Les décors et les constructions des humains sont comme les fleurs minérales de sable et d'éclats de roche que la nature a sculptées dans un paysage brûlé de lumière : ils sont figés dans un paysage social et culturel que le rayonnement des modes, des tendances, des croyances et du culte de l' apparence et de la personne, a irradié...

    Dans les déserts géographiques il y a toujours quelque part sous une tente ou dans une caravane de nomade, un enfant, un homme ou une femme qui rêve d'un cavalier de fière et belle allure venu d'un pays merveilleux... En vérité, il vient ce cavalier, il vient souvent, et même chaque matin... Il ne peut être que venu d'ailleurs, le cavalier, même (et c'est plus que probable) s'il vient de la caravane... Il est d'un ailleurs qui dans le rêve, est toujours différent, et donc, "merveilleux"... Mais le cavalier passe et n'accorde pas même un regard à cet enfant, à cet homme ou à cette femme...

    Dans les déserts relationnels il y a toujours quelque part sur un banc dans une gare, marchant sur un trottoir de ville, assis ou debout dans le métro ou dans le bus, avançant dans les allées d'un grand magasin ; un enfant, un homme ou une femme qui rêve, regarde, tend son visage ou sourit... Mais que personne ne regarde jamais...

     

  • A la porte de Versailles...

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         Yves Harté dans son éditorial du journal Sud Ouest en date du samedi 25 février 2012, écrivait :

     

    "Dès aujourd'hui porte de Versailles, selon un scénario habituel, les candidats à la présidence de la République iront flatter la croupe des vaches".

     

    Dans un langage "Yugcibien" je dirais :

    "les candidats à la présidence de la République vont tapototer la tête de la vache"... Tout comme l'avaient fait, auparavant Nicolas Sarkozy de 2008 à 2011, et Jacques Chirac avant 2007...

     

    ... A noter qu'après le salon de l'agriculture vient le salon du livre... J'imagine qu'au bout de huit à dix jours (pour autant qu'il y ait cet écart de temps entre les deux manifestations) les "fragrances" des fromages et des bouses auront disparu et que tout ayant été bien récuré, l'on pourra battre de la narine humant les pages des livres... et que quelques messieurs-dames chic imperdés chic mantolinés chic sacochés chic chemisés chic enféminées pour les dames, et chic'ment pensants... gentiment tapotototeront la tête des écrivains...

     

     

     

     




     

     




     

  • Nuggets et produits de fast food

    ... Et quand je dis "fast food" j'inclus dans "fast food" tous ces produits alimentaires et préparations cuisinées ou précuisinées, sous vide ou en barquette ou en sachet ; toutes ces crèmes, sauces, mayonnaises, terrines en boîte ou en verre, gelures et condiments divers, soupes et raviolis en boîte... En somme tout ce qui est conditionné, prêt à consommer et dont le contenu est composite...

    En général, quelque part sur le paquet, sur la boîte ou sur le sachet en papier ou en plastique, il y a tout en bas ou au dos, un paragraphe de quelques lignes, en caractères minuscules, que personne ne lit jamais ou presque (parce que même avec 10/10 à chaque oeil il faut prendre une loupe pour lire)... Et ce paragraphe "informe" le consommateur (ou "est censé informer le consommateur")... en détail sur le contenu et sur la composition du produit... Mais cela ressemble à un petit exposé scientifique très consensuel et "à la portée du consommateur lambda"...

    Avec "un peu de réflexion" à partir de ce descriptif "transparent", l'on se doute bien de ce qui se passe en réalité dans les laboratoires et dans les usines de fabrication...

    Par exemple pour les nuggets de poulet ou de poisson : moins de un pour cent de vrai poulet ou de vrai poisson (chair de poulet, chair de poisson), et quatre vingt dix neuf pour cent de... crêtes de coq, extrémités de pattes, tripaille, abats, le tout broyé, réduit en bouillie puis en une pâte de nouveau reconditionnée avec additifs, gélifiants, colorants, et ressortant au bout de la chaîne en carrés, rectangles, triangles, boulettes, tout prêts à consommer, à passer au micro-onde, au four...

    Voilà ce que vous "bouffez" dans les Mac Do, dans les fast food, voilà ce que vous achetez en Grande Surface... Et les additifs de goût et de couleur et de consistance sont produits en fonction d'une "étude de marché" qui définit des "modèles" et des habitudes de consommation... (je dirais pour caricaturer- mais je ne dois pas être très loin de la réalité- un goût de sexe et de cornichon)...

    Et que dire de ces "salades composées" et de ces produits "d'apéritif dînatoire" qui font la Une des soirées de jeunes !

    Tout est récupéré dans les abattoirs , le sang, la tripaille, les os, jusqu'aux arêtes de poisson et aux crêtes et aux becs des poulets!

    L'industrie alimentaire c'est encore ce qui rapporte le plus de pognon, encore plus que le pétrole, le gaz, l'électricité, les pompes funèbres et l'automobile et le fret aérien ou maritime, que les transports, les tour opérators et les centres de loisirs...

    Deux milliards de bovins, un milliard de porcs, vingt-cinq milliards de poulets... Par an, pour produire viande, lait, beurre, fromage, côtelettes, nuggets, escalopes, steack haché, rôtis, et tout ce qui vient de l'élevage de ces trois bestioles : la vache, le cochon, le poulet...

    ... Il y a deux cent cinquante millions d'années... les dinosaures étaient "des enfants de coeur" à côté des sept milliards d'humains d'aujourd'hui (dont un grand nombre d'entre eux d'ailleurs, n'a même pas accès à cent grammes de vache par jour alors qu'il y a deux milliards de vaches (bovins) sur Terre...

    Et deux milliards de vaches, un milliard de cochons, vingt-cinq milliards de poulets, sept milliards d'humains... ça fait bien plus encore de CO2 en pétant, que tous les avions et toutes les bagnoles du monde !

     

  • Où sont-ils, que font-ils ?

         Oui, où sont-ils, que font-ils... ils et elles à vrai dire ?

    ... "que l'on ne voit plus, que l'on ne lit plus, qui ne réagissent plus (répondant ou commentant)... Et qui pourtant étaient si présents ?"... Se demande-t-on lorsque plus rien ne vient d'il, d'elle, d'eux ?

    Les vacances ? Un "coup de blues"? Des travaux dans le jardin ou dans la maison ? Un "pépin de santé"? Les enfants, les amis, qui viennent avec leurs petites familles? Une panne d'inspiration à dire ? Une bouderie? Un silence de juge ayant étudié un dossier épuisant ? Un déménagement perturbant? Un être cher qui s'est "fait la malle"?

    ... La vie, leurs vies... Ce sont ces mondes disparus dont on imagine l'atmosphère, des petites bêtes rigolotes ou inquiétantes, des fleurs de toutes saisons, et de profonds océans, et des himalayas et des Kilimandjaros et des déserts de Gobi... et toutes ces traces sur lesquelles on se serait jeté comme sur une femme !

    ... La vie, leurs vies présentes et à venir... Ce souvenir de ce qui fut, cette attente qui peu à peu cesse de battre...

    Où sont-ils, que font-ils ? Ils et Elles, et Eux tous... que l'on ne voit plus, que l'on ne lit plus, dont on ne sait plus rien... ou seulement de loin en loin, que ces quelques traces d'eux qu'ils laissent sur le chemin le plus fréquenté d'un immense paysage en mouvement ? Sur le chemin qui crève les yeux et traverse le paysage, sans cesse encaillouté, entretenu et parcouru?

    Là où tout le monde va tu as des chances d'être vu plus qu'ailleurs où l'on va moins, mais tu ne sais qui te voit... Comme le mort qui ne sait plus rien.

     

  • Le journal de Kafka

         LE JOURNAL DE KAFKA, traduit et présenté par Marthe Robert. (Le livre de Poche, biblio, 674 pages)

    Ce combat entre Kafka et le monde, avait quelque chose de paradoxal…

    Poète, Kafka se sentait différent du commun des mortels et par conséquent contraint d’affirmer sa singularité. Ce qui rendait inévitable sa lutte avec le monde.

    Cependant, Kafka avait en même temps une autre préoccupation, un autre regard que celui d’un écrivain sans complaisance à l’égard du monde : il a voulu aider le monde à se défendre, en particulier par ce besoin qu’il sentait, de surmonter sa révolte (et plus généralement celle de l’individu), et de trouver la route ouvrant le passage vers une communauté vivante, celle des hommes coexistant ensemble dans une tradition, une culture, une histoire…

    Ce journal est, selon Marthe Robert, « le témoignage le plus poignant de toute l’histoire de la littérature ».

     

    « Nous avons été chassés du paradis mais le paradis n’a pas été détruit pour cela »…

     

    Ce « paradis » n’était-il pas cette Connaissance, ou mieux peut-être, cette « vérité » originelle, totalement pure, affranchie de ce « sens du monde » régi par les lois des hommes et les mécanismes inextricables des codes et des procédures ?

    Retrouver ce « paradis », puisqu’il existe toujours, apparaît donc comme une nécessité… D’autant plus que la certitude de sa redécouverte s’ouvre dans une perspective encore plus belle et plus émouvante que celle qui, à l’origine, n’en était qu’à la gestation de son commencement...

    En fait, ce n’est pas le Dieu des Chrétiens, ni celui des Musulmans ou un autre Dieu… qui nous a chassés du « paradis » : c’est nous, les humains, qui avons en partie, perdu la Connaissance, et qui avons cru retrouver cette Connaissance par la Science, la Civilisation, la Technologie, les lois édictées par des monarques ou des parlements, les codes et procédures sans cesse remaniés et adaptés aux évolutions politiques et sociales… le plus souvent, hélas, au bénéfice d’une minorité « privilégiée » d’humains…

    Mais cette Connaissance existait avant que l’humain ne fût, ici ou ailleurs…

    Le Journal de Kafka, 674 pages. Un casse tête aux dires de certains, à la seule idée que l’on peut se faire de ce que suggère à priori, la lecture des écrits et des romans de Kafka…

    Mais quelle pureté de langage ! Quelle précision ! Quelle minutie dans les moindres détails ! Et surtout quelle écriture !

     

    ... Il ne suffit pas à mon sens, à un écrivain, à un artiste ou même tout simplement à un homme ou une femme "de réflexion, d'agissement, d'engagement ou de résistance"... d'être "à juste titre" sans complaisance à l'égard du monde, et de porter sur le monde le regard qui découle de cette absence de complaisance...

    La révolte, si elle est nécessaire, doit aussi pouvoir être surmontée... Par une forme d'expression lui donnant une toute autre portée que celle des armes, de la confrontation avec violence ou du retranchement sur des positions à maintenir à n'importe quel prix... Sans doute en ce sens, les écrivains, les artistes, les intellectuels, ont-ils un rôle à jouer, mais pas seulement eux car à dire vrai, c'est l'affaire de chacun à sa manière...

     

    ... J'avais évoqué une fois ce terme ou plus exactement cette expression "créateur d'atmosphère" (ou "créatrice d'atmosphère")...

    Je voulais dire par là : une personne qui dans sa relation avec l'Autre, avec les Autres, dans la manière qu'elle a de s'exprimer, dans son comportement, par son regard, par tout ce qui émane d'elle, et qui peut surprendre, émerveiller parfois... crée autour d'elle et dans une situation particulière, dans l'évènement, dans l'agissement... une "atmosphère relationnelle"... Et cette "atmosphère" alors, peut se diffuser, s'étendre, s'infiltrer, gagner du terrain, se dégager peu à peu au dessus de toutes ces pesanteurs naturelles ou organisées que sont toutes sortes de révoltes ou de retranchements censés nous protéger...

     

  • Les écureuils de central park sont tristes le lundi, de Katherine Pancol

    "Un écrivain, c'est un mur avec deux grandes oreilles et un oeil de cyclope...

    Écrire, c'est écouter, observer, renifler, devenir marronier, abat-jour ou toile d'araignée. Tendre l'oreille, le regard, le pif, faire le vide en soi pour que la vie s'y engouffre et dépose ses alluvions.

    S'oublier pour devenir tous les personnages, les rires et les larmes, les espérances et les impatiences, plonger tout au fond, saisir une pièce en or...

    La déposer dans le récit et repartir...

    Quand j'écris, j'ouvre grand les bras et j'avale la vie...

    Je franchis les mers et les montagnes, je traque le détail, dévore des kilos de documentation, j'écoute..."

     

    Voici au moins une définition de l'écrivain qui sort de l'ordinaire !... Et qui ne peut alors, au risque d'imposture, faire de l'écrivain un être ordinaire...

    Bien sûr, à dire vrai, que l'écrivain, tout comme le météorologue, le chercheur, la lingère, la ballerine, l'employé de banque ou le chômeur longue durée... Est un être ordinaire, tout ce qu'il y a de plus ordinaire en ce sens qu'il a un trou en haut pour absorber et un trou en bas pour évacuer... Mais cet "ordinaire" qu'il y a en l'être – et donc, en un écrivain aussi- est bien une "matière première" sans laquelle absolument rien d'exceptionnel en l'être ne peut exister autrement qu'en trompe -l'oeil, en trompe- le- regard, en trompe- les- oreilles, en trompe-l'intelligence, en trompe-l'humain...

     

    Si les gens que nous sommes, chacun d'entre nous à sa façon, se parlaient les uns les autres comme se parlent les personnages du livre de Katherine Pancol – "Les écureuils de central park sont tristes le lundi"- sans doute la vie que nous vivons au quotidien serait moins triste...

    "Une vie meilleure" (ou plus belle, ou moins injuste, ou plus ou moins "tout ce que l'on voudra") ça ne veut rien dire et en faire de l'écriture c'est encore pire...

    "Une vie moins triste" – en se parlant moins triste- c'est dans le domaine du possible...

    Peut-on imaginer, avec un langage tel que celui des personnages du livre de Katherine Pancol... que des tranchées, des redoutes et des nids de mitrailleuses soient nécessaires ? Ou des contes ou des histoires ou des discours à dormir debout ?

     

  • Vivons nous un temps sans horizon d'espérance ?

          Selon Myriam Revault d’Allonnes, philosophe, auteur du Pouvoir des Commencements, essai sur l’autorité….

    « Nous ne disposons plus aujourd’hui d’un avenir où pourraient se fonder nos espoirs et nos engagements. La fin des idéologies serait le nom de cette crise de la temporalité d’un temps sans horizon d’espérance que nous avons du mal à regarder en face. Qui a dit que les intellectuels n’avaient plus rien à dire sur l’actualité la plus brûlante ? Et si le vrai problème était plutôt qu’on parvienne à les entendre ? »

     

    Quels espoirs et quels engagements aujourd’hui ?

    Dans un siècle qui se devait être spirituel mais qui tourne à une guerre de religions, à une course à la consommation, à la recherche de la performance et de l'immédiateté?

    Dans un siècle qui sombre dans la barbarie, dans l’intolérance, dans le succès des médiocrités et du voyeurisme agressif ; dans le culte de l'apparence et de la réussite à n'importe quel prix?

    Est-ce cependant la fin des idéologies alors que jamais encore à ce point là en ce début de 21 ème siècle l’on n’avait sacralisé et instrumentalisé les plus invalidantes de ces idéologies pour l’évolution de l’esprit humain, soit le nivellement brutal et totalitaire du monde par la peur ; et cette idée de développement durable par une croissance économique sensée satisfaire un plus grand nombre de consommateurs dépendants, soumis et déshumanisés ?

    Ce temps sans horizon d’espérance que nous avons du mal à regarder en face, qui ne nous fait même plus peur à cause d’autres peurs entretenues et médiatisées, n’aura-t-il donc pas pour le dénoncer et mettre un terme à sa course, de ces grands esprits et de ces hommes courageux en nombre croissant qui, sans le soutien des peuples de la Terre n’ont qu’un pouvoir illusoire ?

    Ceux qui disent que les intellectuels ne s’expriment plus sur l’actualité brûlante sont des menteurs, des négationnistes ou des intellectuels complices de l’ordre établi.

    Parvenir à entendre les voix des intellectuels qui s’élèvent contre l’ordre dégradant, ne plus écouter les voix des intellectuels complices de cet ordre, c’est l’affaire la plus urgente de tous les peuples de la Terre.

     

  • Le vécu, l'écriture

         Le vécu, à l'instant même ou dans le moment où il se vit ; ne s'écrit pas...

    Écrit-on par exemple, ce que se disent des regards entre eux, écrit-on des doigts ou des mains qui se touchent, des silences qui se parlent ?

    Le vécu, à l'instant même ou dans le moment où il se vit ; est peut-être cependant, de l'écriture qui n'est pas encore née... Et qui naîtra -si elle naît- sans réellement écrire le vécu...

    S'il devait y avoir une écriture qui surpasserait toutes les écritures, ce serait celle du vécu que l'on ne peut écrire, de ce vécu qui à chaque fois, fait de l'écriture à naître sans que l'on le sache jamais...

     

  • Une drôle de fête de Noël

         La fête de Noël organisée par l'Amicale de la Boîte, battait son plein...

    Déjà tous les enfants rassemblés autour des paquets joliment enrubannés, tapaient des mains et des pieds, criaient, s'agitaient, s'enthousiasmaient, s'impatientaient...

    L'on n'attendait plus que le Père Noël qui allait on l'espérait bien, entrer en scène d'une minute à l'autre.

    Pour la troisième fois l'un des assistants du Président de l'Amicale repassait en poussant le son "Petit papa Noël" de Tino Rossi...

    Les mamans minaudaient et se congratulaient, les papas levaient leur verre ; les notables confortablement installés autour de la grande table recouverte d'un tapis vert au fond de la salle, souriaient, béats, et leurs joues grasses et couperousées, leurs triples mentons, leur donnaient cet air bon enfant qu'ils arborent tout naturellement lors des festivités d'associations et d'amicales...

    L'on apporta les gâteaux, les petits fours salés et sucrés, les mini-pizzas et les sandwiches, que l'on répartit avec des rangées de verres et de bouteilles sur les tables formant dans la salle un grand U.

    L'on déboucha les bouteilles, faisant bruyamment sauter les bouchons de Champi et de vins mousseux...

    Une guirlande électrique s'enflamma tout à coup sur le sapin, il y eut un instant de panique mais le Président habilement, maîtrisa le sinistre.

    L'attente se prolongeait, les enfants piétinaient et chahutaient, l'on emplissait les verres, quelques papas "un peu éméchés déjà" tenaient des propos égrillards ; les notables, visiblement crispés, jetaient un coup d'oeil à leur montre ; le grand patron de la Boîte se levait sans repousser sa chaise, évacuant d'un revers de main quelques miettes sur son gilet, puis s'excusait auprès du Président, de son brusque départ, déclarant qu'il avait un rendez vous d'affaires important à deux cents kilomètres de là et craignant le verglas sur la route...

    Enfin le Père Noël fit son apparition...

    Il surgit tout en haut des escaliers, derrière la cime du sapin.

    Mais tous les visages blêmirent et se figèrent d'effroi car le Père Noël brandissait une tronçonneuse qu'il mit en marche et agita devant lui...

    Avec sa barbe toute ruisselante de sang, ses yeux noirs et brillants qui lançaient des éclairs, son rire sardonique et sa démarche menaçante, il sema une grande terreur dans l'assistance.

    Les enfants se mirent à courir en tous sens, les mamans poussèrent des cris aigus, une panique monstre s'ensuivit...

    D'un coup de pied rageur, le Père Noël disloqua la pile de paquets enrubannés, puis se jeta, la tronçonneuse en avant vers les enfants.

    Horreur! La tronçonneuse s'acharna sur les petits dos, sauta d'un petit visage à l'autre, mordant au passage quelques bras et jambes, des flots rouges ruisselèrent le long des vêtements jusqu'au sol ; et dans une bousculade générale, dans un sauve qui peut vers la grande porte, parents, enfants, invités et notables, tous se précipitèrent les uns contre les autres et même se piétinèrent... Un gros type très excité à l'air mauvais, poussa violemment d'un coup de pied une petite fille dont le visage venait d'être écrasé...

    Tout à coup, la voix du Président, grave et forte, s'éleva au dessus du tumulte : "écoutez moi tous, il n'y a personne de blessé en réalité, c'est une grosse farce, une affreuse plaisanterie de très mauvais goût, la tronçonneuse est truquée, la chaîne est en caoutchouc et le sang, de l'encre rouge projetée...

    Il fallut néanmoins un certain temps pour que l'affolement général cesse... Mais la fête était gâchée, les sandwiches et les gâteaux écrasés, les verres brisés, les jolis paquets éventrés et leur contenu fracassé...

    De l'un de ces paquets s'échappait un petit robot noir qui prenait son élan, virait à droite ou à gauche, cliquetant, foudroyant les bouchons de Champi de son rayon bleu vert...

    L'on débarrassa, nettoya, et lorsque le Père Noël présenta sa facture TVA comprise, il se vit gratifié illico, de quatre coups de poing en plein visage et repartit en sang...

    Une maman arriva tenant par la main son petit bout de chou de trois ans, juste au moment où le Père Noël se faisait durement castagner. Le bambin était tout déconcerté devant le désordre indescriptible qui régnait dans la salle, ouvrait des yeux tout ronds, pleurait parcequ'on battait le Père Noël...

    La maman était une très jeune femme, court vêtue, avec de jolies jambes. Quelques messieurs "rassis" ou "crâne d'oeuf", encore présents dans la salle, foudroyèrent de leurs regards, figés de ravissement, cette jolie jeune femme qui portait un manteau chic et court rouge vif...

    Personne ne s'intéréssa ni n'accueillit l'enfant qui pleurait et se dirigeait vers le petit robot noir... Quelques uns des messieurs discrètement se touchaient la braguette. Le Président, tout faraud et tout rouge sous sa tonsure à la Lionel Jospin, s'approcha de la jeune femme, prit son air des dimanches et balança quelques flatteries...

    Un musicien ambulant, une sorte de clown aussi, se trouvant de passage ce jour là, fut convié par le Président pour relancer la fête...

    Et la fête se refit, l'on oublia le Père Noël à la tronçonneuse, les enfants se jetèrent sur les cadeaux...

    Le lendemain l'on apprit dans le journal, que le grand patron de la Boîte avait été victime du verglas sur la route, et que le Père Noël s'était pendu dans une grange abandonnée... Et qu'on avait tué avec un jet de gaz paralysant à bout portant à travers la clôture le toutou féroce du gros type qui avait bousculé la fillette...

     

  • Paris Colmar (texte audio)

    Paris Colmar, le début...

    Paris Colmar, suite 1

    Paris Colmar, suite 2

    Paris Colmar, suite 3

    Paris Colmar, suite 4

     

     

  • Errances littératoques, 8

    Des vaches naines

    Des oies rouges

    Des canards bec de louche

    Des coccinelles bleues

    Des humains à quatre pieds

    Des cochons éléphantins

    Les vaches parce qu'elles sont naines

    Les oies parce qu'elles sont rouges

    Les canards parce qu'ils ont des becs de louche

    Les coccinelles parce qu'elles sont bleues

    Les humains parce qu'ils ont quatre pieds

    Les cochons parce qu'ils sont éléphantins...

    Tous, oui, tous menés au champ de foire

    Au bâton, à la trompette, en char à âne ou en turbomobile...

    uront-uls au Paradu ?

    Ce Paradu où toute la Crémation veut aller même les moutons cannibales ?

    Avec chacun son fruc, sa gouale

    Et son Égot charpenté en cathédrale et lourd de viande molle

    Et si...

    Pas le Paradu ?

    Et si...

    L'Enfore plutôt ?

    L'Enfore où vont les Ulumunus

    Les vaches éléphantines

    Les oies bleues

    Les canards bec de bite

    Les coccinelles vertes

    Les humains à quatre mains

    Les cochons nains

     

    Le Paradu

    L'Enfore

    Ou le Chatôt...

    Oui, peut-être en définitive

    Le Chatôt

    Le Chatôt sans Chatelin sans ascenseur sans bals masqués ni visages caramélisés

    Le Chatôt plutôt que le Paradu

    Et le Procet plutôt que l'Enfore...

    Le Procet dans la grande salle du Chatôt...

    Le Procet sans Zuse sans couloirs sans verdique et sans gellule- de- roche- avec- juste- un- petit- trou pour laisser passer la poudre...

    Le Procet d'une désespérante éternité et dans un abîme de solitude cosmique, se déroulant comme un tapis de feu, sans témoins, dans la grande salle du Chatôt...

    Les vaches ne devaient pas être naines

    Ni les oies, rouges

    Ni les canards, bec de louche

    Ni les coccinelles, bleues

    Ni les humains, à quatre pieds

    Ni les cochons, éléphantins...

    Toute la Crémation ne devait qu'être feu puis poussière puis olive de roche puis de nouveau feu, poussière et olive de roche...

     

  • Conscience de l'existence de l'autre

         La conscience de l'existence de l'autre ouvre un espace de relation qui n'est plus uniquement fondé sur la seule réalité de notre propre existence. Mais la conscience de l'existence de l'autre n'est pas innée en nous... Elle ne l'est pour ainsi dire jamais, et cependant survient dans notre esprit l'idée de son existence.

    Je ne dis pas que la conscience de l'existence de l'autre, si nous parvenions à l'avoir autrement qu'en idée, ferait ce monde meilleur auquel nous aspirons... Mais je suis certain qu'elle serait alors un facteur déterminant dans l'évolution de notre espèce...

     

  • La dureté du monde

          Il y a dans la dureté du monde en dépit de sa cruauté et de tout le poids dont elle pèse sur nos existences, une certaine beauté. Cette beauté réside dans la faculté qu’ont les êtres vivants à survivre, s’adapter, évoluer, établir entre eux une relation intense et durable dans un environnement hostile. Qu’elle soit une fatalité ou non, la dureté du monde dans toute sa réalité est une nécessité. Sans elle, il n’y aurait jamais cette espérance si belle et si enthousiasmante d’un avenir meilleur, ni cette capacité qu’ont les êtres vivants à évoluer et à se perpétuer.

     

  • Le livre d'Eric Brunet

         Samedi soir, le 21 janvier à "On n'est pas couché", j'ai pris note, en quelque sorte, de l'échange entre Eric Brunet et ses interlocuteurs au sujet de son livre "Pourquoi Sarko va gagner"...

    Une première remarque s'impose, à mon sens : cette formulation dont le premier mot est un mot que l'on emploie d'ordinaire pour interroger, aurait du mal à supporter après "gagner", un point d'interrogation... Pour la bonne raison qu'elle "saute aux yeux", cette formulation ainsi faite, en tant qu'affirmation et non pas en tant que questionnement...

    Il est évident que si Nicolas Sarkozy ne gagne pas l'élection présidentielle, le livre d'Eric Brunet n'aura plus de sens par le titre qu'il porte. Mais qu'il conservera cependant "tout son sens", par ce qu'Eric Brunet écrit au sujet de Nicolas Sarkozy (et qu'en gros il a expliqué sur le plateau de "On n'est pas couché")...

    Ce livre n'est donc pas, à mon avis, un "livre inutile" car il rend compte à juste titre, ou plutôt dans une réflexion non partisane et "éclairée", de "quelques vérités" que les médias (et la plupart des journalistes et des chroniqueurs "de droite comme de gauche" d'ailleurs) ont complètement occultées et cela dans une "entreprise de démolition" telle que l'on n'en avait encore jamais vu à ce point là... Une "entreprise de démolition" donc, orchestrée "à grande échelle" depuis le début du quinquenat de Nicolas Sarkozy.

    Que des organes de presse iconoclastes, portés quel que soit le régime en place sur la caricature, la moquerie, l'humour décapant, à leur manière "démolissent"... ça c'est parfaitement normal, "de bonne guerre" et tout à fait dans l'optique de la liberté d'expression même si cela heurte certaines sensibilités, même si "ça va un peu loin"...

    Mais que toute la presse écrite et parlée, que la quasi totalité des médias, de droite comme de gauche, se livre à une entreprise de démolition systématique d'un personnage en particulier (en l'occurrence Nicolas Sarkozy)... Alors là, je me dis en rejoignant quelque peu la pensée d'Eric Brunet : "Il y a vraiment quelquechose de pourri dans ce pays, et non seulement pourri mais malsain, à la limite de l'inconsistance, de la vulgarité, de la médiocrité culturelle, de style haro sur le baudet on en fait une philosophie quotidienne érigée en religion" !

    Je n'aime pas Nicolas Sarkozy et quoiqu'il arrive (par exemple s'il est au second tour avec Marine Le Pen) je ne voterai pas pour lui, et m'abstiendrai-je... Mais quand Eric Brunet dit que la Maison de L'Amérique Latine dans le quartier latin à Paris, est un lieu très sélect et fréquenté par des intellectuels riches... (là où François Hollande a fêté son résultat aux primaires socialistes)... Je me dis au fond de moi, que la maison de l'amérique latine au quartier latin vaut bien d'une autre manière, le fouquet's sur les Champs Elysées... Sauf que là, en l'occurrence en octobre 2011, la "caste médiatique n'en a point fait un fromage" !

    Vous me direz après tout, que "tout un chacun" c'est à dire le citoyen lambda comme le personnage charismatique et connu du public, peut bien fêter où il veut comme il veut avec qui il veut, ses succès, et selon ses goûts, ses fréquentations, ses moyens financiers, ses sensibilités artistiques ou intellectuelles...

    Mais ce qui me fait réfléchir, c'est la manière dont ce "genre d'affaire" est présenté... ou occulté, car au delà d'un sentiment d'indignation si partagé soit-il par des milliers de gens, il y a cette "symbolique" qui s'impose comme un leit-motiv sans cesse repris en choeur et asséné en permanence et que l'on inscrit même dans l'Histoire...

    Ne devrait subsister en l'occurrence que l'indignation, la seule indignation par elle-même, dans la mesure réelle de cette indignation... Et non pas cette "symbolique" qui n'est rien d'autre qu'un culte rendu à une forme de médiocrité culturelle fondée sur une vision partisane et sectaire du monde selon des clivages...

    Que ce soit au Fouquet's pour Nicolas Sarkozy en mai 2007 ou à la maison de l'Amérique Latine pour François Hollande en octobre 2011... Ou pour quiconque d'ailleurs en n'importe quel lieu "branché" ou non, sur n'importe quelle scène publique ; lorsque l'on fête quelque chose d'important dans sa vie... Ce qui a une signification aux yeux des observateurs que nous sommes, citoyens "Lambda" ou personnages en vue ; ce sont les gens que l'on invite et dont on s'entoure habituellement... En général ce sont presque toujours des personnages "d'une seule et même caste, d'une seule et même famille de sensibilité ou de vision du monde, d'un même milieu social"... (il y a rarement de la "diversité", diversité dont beaucoup de personnages politiques, d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes se réclament d'ailleurs afin de paraître au mieux de leur crédibilité)...

    Mais comment, à bien réfléchir, pourrait-il en être autrement, conditionnés que nous sommes par la réalité incontournable qui est celle de sensibilités inconciliables en situation d'opposition et d'affrontement... Ou au "mieux", d'indifférence ?

    Tant qu'il y aura des Fouquet's, des maisons de l'Amérique Latine ou de la Chimie, tant qu'il y aura des cénacles, tant qu'il y aura des partis, tout comme tant qu'il y aura des hommes... Il n'y aura que cette Histoire qui à vrai dire, s'écrit toute seule alors même que les hommes croient l'écrire eux-mêmes selon que cela les arrange à telle ou telle époque ou en telle situation provisoire ou durable...