Articles de yugcib

  • La Grand Féria de Bayonne

    Bayonne

    … Les fêtes annuelles d’été de Bayonne débutent cette année en 2023, le mercredi 26 juillet à 22 h heure à laquelle sont remises les clefs de la ville par la municipalité, aux « festayres »…

    Cette Grand Féria de Bayonne dure donc 1 soir puis quatre journées complètes jusqu’au dimanche 30 juillet et cinq nuits jusqu’au lundi matin 31 juillet.

    Un million de « festayres et visiteurs » sont attendus durant ces cinq jours, et, soit dit en passant « bonjour les hébergements, les campings bondés et improvisés un peu partout, les tonnes de bouffe dans les estanquets (grands chapiteaux de bouffe) et les hectolitres de boissons alccolisées (avec le « casque de la soif » sur le crâne, la « marseillaise basquolandaise » -un air célèbre de corrida, hyper chanté dansé par des milliers de personnes dans les « rues de la soif » et autour des très nombreux bistrots équipés de comptoirs à rallonge aménagés)…

    La Grand Féria de Bayonne est le 5ème plus grand rassemblement festif de la planète, après le Kumbh Mela en Inde, la fête des lumières à Lyon, le carnaval de Rio et l’Oktoberfest de Munich…

    Pour la Nième année consécutive, je suis à mille kilomètres de ces gigantesques festivités de Bayonne, dans les Hautes Vosges terroir de Saint Dié et du Val de Neuné, et heureux de me trouver si loin de ce million de festayres, des campings bondés, de la foule, des casques et des rues de la soif, et des corridas de toros, des « deux oreillles et pourquoi pas les couilles pour le toréador-héros », de la Marseillaise Basquolandaise, des nuits de dandinage de fesses et de musiques tamtamiques ! …

     

    NOTE : je ne suis pas retourné à Bayonne depuis février 2017… Et pour cette année 2023, c’est « à peu près râpé » …

     

     

  • Réflexion sur le lien de relation parent-enfant, ou entre amis

    … Un père peut avoir deux fils ou deux filles qui ne s’entendent pas, ont cessé de se voir, pour des raisons précises, particulières et en grande partie justifiées, du fait d’un différend survenu, ou d’un comportement de l’un ou de l’autre qui en plus d’une différence de sensibilité et de vision du monde, des gens et des choses, de la société, ou encore d’une différence de culture en soi… A élargi, amplifié le désaccord…

    Il n’en demeure pas moins que pour le père, ou pour la mère de ces deux fils, ou de ces deux filles, le lien parent – enfant ne peut se défaire, ainsi que la relation parent – enfant…

    Il en est à peu près de même pour un homme ou pour une femme âgé par exemple, de plus de 70 ans, qui a dans ses connaissances là où il vit, depuis plusieurs années, deux personnes autant appréciées l’une que l’autre pour des raisons différentes ; deux personnes autant amies l’une que l’autre de cet homme ou de cette femme de plus de 70 ans et qui vu leur âge, pouraient être comme deux fils ou deux filles en désaccord à la suite d’un différend…

    Si le lien qu’il pouvait y avoir entre ces deux personnes toutes deux amies de l’homme ou de la femme de plus de 70 ans est rompu, il n’en demeure pas moins que la relation entre cet homme ou cette femme de plus de 70 ans et chacune des deux personnes par exemple âgées l’une et l’autre de 30/40 ans, ne peut, elle, être rompue…

    Cependant, l’une ou l’autre de ces deux personnes de 30/40 ans qui sont des ami(e)s pour l’homme ou la femme de plus de 70 ans, comment réagisent-elles, confrontées à l’existence et au maintien d’un lien ne pouvant être rompu, d’un lien qu’elles ont du mal à concevoir qu’il puisse encore exister ?

    En un mot, si tu n’étais plus mon ami parce que tu as cessé à la suite d’un différend toute relation avec mon autre ami devenu pour toi ennemi et qui pour moi reste ami, alors je m’interroge sur le sens de ma vision de la relation humaine, de l’amitié… Qui n’est peut-être pas le « sens commun », le sens de « l’ordre des choses »…

    Ce qu’il y a de différend en soi par rapport aux autres, ne nous contraint-il pas – sans pour autant nous conforter dans la certitude d’une vérité- à affirmer notre singularité et à la défendre ?

     

  • Errance littératoque à défaut d'errance dessinatoque

    Hunawhir un navire empli en soute de tonneaux de pinard

    Salut ma commandante je te présente mon corps mandant

    En dépit de mon âme malentendue de ta part

    Et de trois mouches bleues lovées sous trois boutons de la veste de ton tailleur

    Hardie coquelette promise accompagnée de petits pois mais s’engouffrant sous le grillage de la bassecour dans un trou agrandi de souris qu’une vieille taupe venait tout juste de quitter pour sauter dans une piscine vidée dont il ne restait qu’une lie de boue puante étalée au fond du grand bassin

    Et tu lis debout le journal de Jules Renard en traînant les pieds évitant d’écraser des cloportes en procession rejoignant l’un ou l’autre de ces poulaillers visités de petits ânes aux oreilles taillées en biseau

    Épris d’asphodèles tu négliges la rose sertie dans le marbre qui gougoutte après l’averse

    Un jeune hanneton tombe du cerisier dans le bol de purée posé sur un guéridon au fond de ton jardin

    Et à Gédéon des chevaliers sans selle enfourchent de vieux vélos à défaut de rosses encore alertes

    Les trois mouches bleues et l’hardie coquelette iconoclastent les unes de leurs ailes fluo-assourdisso-vibrantes, et l’autre de son plumage sanguino-violâtre les certitudes arrogantes de la commandante

    Et mon corps mandant s’est alors arcbouté au vu d’apollons de marbre juchés sur des tricyclettes sans selle dont les piedestaux dansolotaient au rythme de petites secousses sismiques

    Et ma peau aisée de raie alitée tressaute

    Et les coraux abritent-ils des hannetons de mer

    Et les chemisiers des poissonnelunes sont-ils piercingués de perlettes nacrées

    Et le navire à la soute emplie de tonneaux de pinard

    Quittant Hunawhir par la voie des airs

    Éclatera-t-il tel un dirigeable trop gonflé au dessus de Petite France à Strasbourg à l’heure de midi sous un soleil de juillet chauffant les crânes d’œufs casquettés de pépères choucroutant en terrasse de restaurant

     

  • Le journal de Kafka

    Kafka

    … LE JOURNAL DE KAFKA, traduit et présenté par Marthe Robert. (Le livre de Poche, biblio, 674 pages)

     

    … Ce combat entre Frantz Kafka et le monde, avait quelque chose de paradoxal…

    Poète, Frantz Kafka se sentait différent du commun des mortels et par conséquent contraint d’affirmer sa singularité. Ce qui rendait inévitable – et pour lui, problématique, difficile, sa lutte avec le monde… Et, tout aussi problématique, sa reconnaissance par ses semblables, de son vivant…

     

    Cependant, Frantz Kafka avait en même temps une autre préoccupation, un autre regard que celui d’un écrivain sans complaisance à l’égard du monde : il a voulu aider le monde à se défendre, en particulier par ce besoin qu’il sentait, de surmonter sa révolte (et plus généralement celle de l’individu), et de trouver la route ouvrant le passage vers une communauté vivante, celle des hommes coexistant ensemble dans une tradition, une culture, une histoire…

     

    … Ce journal est, selon Marthe Robert, « le témoignage le plus poignant de toute l’histoire de la littérature ».

     

    « Nous avons été chassés du paradis mais le paradis n’a pas été détruit pour cela »… Lit-on, dans le texte figurant en 4ème de couverture…

     

    Ce « paradis » n’était-il pas cette Connaissance, ou mieux peut-être, cette « vérité » originelle, totalement pure, affranchie de ce « sens du monde » régi par les lois des hommes et les mécanismes inextricables des codes et des procédures ?

     

    Retrouver ce « paradis », puisqu’il existe toujours, apparaît donc comme une nécessité… D’autant plus que la certitude de sa « redécouverte » s’ouvre dans une perspective encore plus belle et plus émouvante que celle qui, à l’origine, « n’en était qu’à la gestation de son commencement » - pourrait-on dire…

     

    Mais ce n’est pas le  dieu  des Chrétiens ni celui des Musulmans ou un autre « dieu »… qui nous a chassés du « paradis » : c’est nous, les humains, qui avons en partie, perdu la Connaissance et qui avons cru retrouver cette Connaissance par la science, par la civilisation, par la technologie…

    Et qui, en édictant des lois, des codes et des procédures, tout cela sans cesse revu, corrigé, remanié, adapté aux évolutions politiques et sociales, le plus souvent il faut dire au bénéfice d’une minorité de privilégiés et de dominants… Ont « formaté » un « paradis » qui n’est finalement qu’un « purgatoire » sinon un « enfer » pour beaucoup d’humains…

    Mais la Connaissance – et donc le paradis - existait avant que l’humain ne fût, ici ou ailleurs…

     

    …Le Journal de Kafka, 674 pages. Un casse tête aux dires de certains, à la seule idée que l’on peut se faire de ce que suggère à priori, la lecture des écrits et des romans de Kafka…

    Mais quelle pureté de langage ! Quelle précision ! Quelle minutie dans les moindres détails !

     

     

  • Intelligence et ignorance

    … « Quand tu corriges quelqu’un d’intelligent, il te remercie. Quand tu corriges un ignorant, il devient ton ennemi »…

     

    Le remerciement alors, en réponse, à propos de ce qui a été exprimé, introduit un dialogue en lequel se fait une échange de vue… Et celui ou celle ainsi corrigé qui remercie, dans la réponse qu’il fait à son interlocuteur, modère, reconsidère, et - ou – complète ce qu’il a exprimé… Et peut – être – ce qui est heureux – lui inspire d’autres sujets de réflexion, d’autres pensées, d’autres productions… Qui appelleront des réponses, des échanges de vues …

     

    Mais que répondre à l’ignorant qui te corrige brutalement d’un propos lapidaire et qui, ainsi, ferme toute perspective de dialogue, d’échange de vues ? Et n’est en aucun cas, une « source d’inspiration » ?

     

    Cela dit, « intelligent » ou « ignorant »… Ce n’est pas aussi simple, aussi « tranché » que ça… Dans la mesure où, comme une pièce de monnaie faite d’alliange entre deux ou plusieurs métaux, l’exprimant autant que son interlocuteur éventuel, porte en lui une somme de connaissance – forcément limitée – et en même temps une somme d’ignorance qui elle, n’est pas limitée…

    Et c’est cette somme d’ignorance qui, d’autant plus grande qu’elle est, fait les polémiques épuisantes, les ennemis, les contradicteurs obstinés et agressifs, les imprécateurs, les vociférants… Ou « au moins pire » les contrariants…

     

     

     

  • Un autre monde

    Un autre monde

    … Cette exposition à Saint Dié, Vosges, s’est tenue durant trois jours, les vendredi 21, samedi 22 et dimanche 23 juillet 2023…

     

    Quelque appréciation, jugement, en fonction de sa culture, de sa sensibilité, que l’on peut porter sur le monde d’aujourd’hui…

     

     

    Il est certain que la diversité, en Art, des créations, est bien plus importante, bien plus immense au 21ème siècle, qu’elle ne l’avait été avant le 20 ème siècle… – ainsi que les auteurs ou concepteurs de chacune de ces créations, aujourd’hui devenus si nombreux…

     

     

    Cela avait commencé, au 20ème siècle, à partir de 1916 et des années 20/30, avec la période « Dada » puis avec les Surréalistes…

    Personnellement, je ne porte pas de jugement sur les créations artistiques (en peinture, sculptures notamment, dessin, graphisme ) du 21ème siècle… « C’est une affaire d’interprétation de chacun » dis-je… Ou de ce que l’on peut ressentir en regardant…

    Je dirais juste que… Plus grande, plus étendue est la diversité des créations, et plus s’établit en conséquence, d’une part un « courant » ne contribuant pas à relier les gens entre eux mais à les incitant à s’opposer dans des situations conflictuelles, et d’autre part, au contraire, un autre « courant » qui lui, est porteur d’espérance, annonçant un « autre monde » pour les Sapiens que nous sommes… Si toutefois nous parvenons à ne pas devenir des « robohumanuscules »…

     

    L’interprétation – de chacun - à la vue de l’une ou de l’autre de si nombreuses et diverses créations, doit cependant rester de l’interprétation, et ne doit donc pas dévier en quelque vérité que ce soit : c’est d’ailleurs cette déviance en vérité déclarée et pour ainsi dire imposée à l’Autre, qui induit le conflit, sépare, isole…

     

    J’ai posé cette question à un exposant, créateur de sculptures métalliques réalisées avec des matériaux de récupération :

    « Ce que vous réalisez là, ne peut, comme par exemple, un dessin, être reproduit, copié, dupliqué, afin que lorsque vous vous séparez de l’original, il vous reste la copie… En effet, se séparer en vendant ou en offrant, implique que votre création qui ne peut être reproduite, vous quitte… Comment un artiste, un créateur, peut-il concevoir de se séparer de l’une ou de l’autre de ses œuvres, en la vendant ou l’offrant à quelqu’un d’autre ? … Un dessin, on peut le copier, mais une sculpture, non…

    Ce qu’il y a d’essentiel, de vraiment essentiel, n’est-ce pas, en exposant à la vue de tous les visiteurs, d’exprimer, de communiquer – par ce que l’on crée après l’avoir imaginé – ce qui est une autre manière de communiquer autrement que par la parole ou l’écrit…

    « Réciproquement » si l’on peut dire, comment le visiteur interpelé personnellement, intimement en lui, peut-il concevoir de « s’approprier » par l’achat (ou en acceptant de se faire offrir) une œuvre dont il n’est pas le créateur ?

    Tout ce qui se crée après avoir été imaginé, toute œuvre réalisée devrait – à mon sens- « entrer dans le patrimoine de l’Humanité toute entière » … Être en somme, un « bien commun »…

     

    Dans le terme de « propriété artistique et intellectuelle », l’on n’est pas propriétaire de ce que l’on crée – un dessin, un écrit, une sculpture – comme on peut être par exemple propriétaire d’un bien immobilier, une maison, un terrain… Car un terrain ou une maison ça s’achète, ça fait l’objet d’un contrat établi… Alors qu’une création artistique ou intellectuelle, ça vient de ce que l’on porte en soi, inné d’une part, mais surtout œuvré par le travail durant toute une vie, d’autre part… Et que, d’une manière ou d’une autre, ce qui est porté en soi (et entretenu par le travail) « rejoint » en quelque sorte, ce qui peut être porté par un autre (porté différemment)…

     

  • Critiques, commentaires et réponses lapidaires

    … Celles et ceux d’entre nous, dans notre entourage, nos connaissances et… Il faut le dire… Sur les forums et sur les réseaux sociaux… Qui ne pensent pas, ne s’expriment pas selon l’opinion dominante faisant consensus… Assez souvent dans les critiques dont ils font l’objet, sont tenus, perçus, pour des personnes qui, disant ce qu’elles ne sont pas et le dénonçant, sont au contraire de ce qu’elles prétendent être elles mêmes, soit ce qu’elles disent qu’elles ne sont pas… Mais sont en réalité aux yeux de leurs commentateurs…

    C’est à dire que l’on les accuse de se sentir et de se montrer supérieures, méprisantes, « au dessus du lot commun », arrogantes parfois, trop sûres d’elles mêmes, imbues de leur personne…

     

    C’est le propre de la critique « expéditive » et « lapidaire », fondée sur des « à priori », que de « mettre en cause », que d’« infléchir », ce qui est exprimé par celle ou celui qui dénonce et argumente, et par là même laisse entendre à l’autre, ce qu’il n’est pas, lui, contrairement à bien d’autres…

     

    Et puis, il y a les jaloux, les « ceu’s zé celles » dont les propos, les critiques, abondant dans le sens de l’opinion faisant consensus, et qui – il faut le dire, oser le dire au risque de ce que cela implique de peu confortable pour celui ou celle qui s’exprime ainsi, différemment des autres – sont dans l’incapacité (ou négligent, ou évacuent) de « penser par eux-mêmes indépendamment de ce qui se dit autour d’eux »…

     

    C’est la raison pour laquelle dans les forums qui ont encore un certain nombre de membres inscrits relativement actifs, et qui s’expriment en s’identifiant sous des pseudonymes et avec des avatars (petites icônes ou figurines ou symboles les représentant)… Ça « frite », ça invective, ça conspue, ça verse dans le lapidaire… Au point que les modérateurs du forum interviennent sans forcément que cela « calme le jeu »…

     

     

    Je ne le dirais jamais assez (je vais finir par devenir répétitif, illisible à force de le dire, et « bon à zapper »)…

    « Sale temps que le temps présent, pour la pensée, pour la réflexion, pour la poésie, pour qui ne pense pas dans le sens commun, pour qui déroge, pour qui ne se soumet pas, pour qui « ne marche pas dans les clous »…

    Ou plutôt, « beau temps, heureux temps », temps de « followers » par milliers, temps de « likes  par autant de milliers », pour les « héros du jour », pour les auteurs de « petites phrases » relayées/partagées mille fois », pour les « storyeurs », pour les imprécateurs, en un mot pour « tout ce qui innove sans innover », pour tout ce qui fait de l’effet et impacte, émeut, s’applaudit, se redemande à longueur de journée et de nuit…

     

     

    Mais… Que vive la liberté d’expression – en dépit de ses dérives, de ce qu’elle abat à la hache, de ce dont elle se moque, de ce qu’elle agresse…

    Parce que le vrai et la beauté, que la bonne volonté des uns - « dans le lot » ou « dans l’infini de la longueur du mur et de tout ce dont le mur est couvert – seront toujours visibles et reconnus… Alors que, sans la liberté d’expression comme on le constate dans des pays totalitaires, de dictature, le vrai, la beauté, la bonne volonté, ne peuvent apparaître qu’au prix d’un combat bien plus difficile qu’il ne l’est en France ou dans un pays européen…

     

     

  • Mes copains

    … Mon amie la punaise rayée feu et noir sur une branche d’aneth, je t’ai surprise collée par l’extrémité de l’abdomen à une de tes congénères dans une noce renouvelée du fond des âges, une noce qui dure peut-être plus longtemps qu’une noce d’humains…


     

    Mon amie la cigale, je t’ai tenue une fois, une seule fois dans ma vie, dans le creux de ma main, retenue au bout de mon doigt, toute légère, délicate, si élégante, toi, la reine des insectes, la plus belle avec tes ailes si fines et si transparentes. J’ai levé le doigt, tu es partie plus vite que la lumière d’une étoile filante.


     

    Mon ami le rat, depuis que je t’ai vu, une fois, assis sur ton derrière, en bas sur la première marche de l’escalier d’une cave et me regardant pas à pas descendre ; depuis que je sais que tu parviens à te saisir de la miette de fromage en appât, sans que la tapette se détende, je ne tends plus de tapette ni ne pose plus de nasse pour te prendre…


     


     

    Mon amie l’araignée, lorsque tu tisses ta toile en plein centre du passage par lequel je jette mes épluchures de légumes sur le tas de fumier prisonnier d’une tour aux épaisses murailles de verdure, au fond du jardin, eh bien mon amie, dis-je, lorsque je te vois ainsi, petite étoile à huit branches se mouvant au milieu de la toile, je me baisse afin que de ma tête ou de ma main, je ne déchire les fils que tu as tendus. Je n’ai donc aucune pitié pour le moucheron qui viendra se prendre dans ton filet et dont tu suceras l’intérieur de l’abdomen du moucheron…

     

     

    Mon amie la grosse mouche grise à tête rouge, ta légèreté et ta célérité qui ne semblent faire qu’un, m’enchantent. Sans doute es tu la plus rapide des mouches. Un oiseau peut-il donc t’attraper ? L’on ne te voit qu’au dehors, au soleil et jamais dans les maisons comme tes petites sœurs grises ou tes lourdes cousines bleues qui, elles, bourdonnent et se posent sur les assiettes sales.

     

     

    Mon ami le bousier, qui élit domicile dans le caca de vache, tout rond et tout bleu noir, lorsque je te vois sur le dos agitant tes six pattes, je te remets sur le ventre non sans avoir posé mon regard sur les reflets bleu vert de ton abdomen.

     

     

    Mon ami le lézard, si leste et si léger, toujours je te suis du regard…

     

     

    Mon ami le crapaud, si placide, réputé si laid, ton pipi dans le creux de ma main lorsque je t’ai tenu afin de te mieux observer, ne m’a jamais donné de boutons comme cela m’est arrivé sur le visage après avoir mangé du pâté de foie à 2 balles…

     

     

  • Relation durable ou non ...

    … Selon « comment dans la vie que tu vis, jour après jour, année après année, ça se goupille »…

    Tu es amené à rencontrer, à fréquenter des personnes qui entrent dans ton environnement de realtions, durant une époque de ta vie, ou un jour en particulier, ou pendant une saison d’été en vacances, ou dans ton travail, ou en des situations survenant…


     

    Mais c’est l’empathie que tu peux éprouver, une empathie pouvant être réciproque… Qui fait que des personnes entrant dans ton environnement, y demeurent pour un temps…


     

    Cependant, c’est le comportement – le tien ou celui de l’autre – à tel moment en telle situation, qui détermine, induit et pérennise, la relation que tu as avec cette personne entrée dans ta vie… Et qui reste dans ta vie « pour toujours » et dont tu garderas le souvenir jusqu’à la fin de tes jours si cette personne disparaît…


     

    Il n’y a pas dans un temps durable, de comportement – le tien ou celui de l’autre – sans cesse heureux en permanence, de même qu’il n’y a pas d’amour heureux tout le temps et également heureux… Mais il y a cette relation qui s’est construite sur la base de ce qui est essentiel pour toi et pour l’autre, une relation qui résiste à tout ce qui peut la rompre venant de toi ou de l’autre…


     

  • L'audace de penser par soi-même

    … « Ceux que le troupeau déteste le plus, c’est ceux qui pensent différemment, ce n’est pas l’opinion en soi mais l’audace de penser par soi-même, chose qu’ils ne savent pas faire »…

    [ Arthur Schopenhauer ]

    … Dans la même idée qu’Arthur Schopenhauer à propos de celles et de ceux qui pensent différemment, je n’aurais cependant pas formulé tout à fait de la même manière :


     

    « Celles et ceux que le plus grand nombre d’entre nous n’aime vraiment pas, voire déteste, rejette ou « botte en touche » ; c’est ce qui est pensé et exprimé en général par peu de personnes, parfois par une seule personne, qui diffère de l’opinion faisant consensus…

    Ce n’est pas l’idée émise, ce n’est pas l’opinion si différente soit-elle, ce n’est pas la réflexion faite au sujet de ce qui est pensé, exprimé, qui « pose vraiment problème » puisque le problème qui se pose est évacué par le plus grand nombre…

    Mais c’est le fait d’oser penser et s’exprimer différemment, qui dérange… Parce que le plus grand nombre d’entre nous, du moins celles et ceux qui évacuent et ne souhaitent guère faire l’effort de réflexion, « ne savent ou ne veulent pas, par eux-mêmes penser »…


     

  • N'être d'aucun ordre ...

    … Quasiment tout un chacun en ce monde, perçoit l’Autre en fonction de son éducation, de sa culture, de sa sensibilité, dans un « ordre des choses » qui peut être celui d’une opinion générale communément exprimée, ou dans un ordre de pensée faisant consensus au sein d’une communauté, d’un groupe de personnes, un ordre « référent » en quelque sorte, notamment en ce qui concerne le rapport de relation entre personnes se connaissant, se fréquentant, échangeant…


     

    Pour qui n’entre en aucun ordre, ou plutôt n’entre que dans un « ordre naturel des choses » - comme une étoile, un astre, un « objet céleste » entre dans le cosmos – c’est à dire plus du tout ou alors très occasionnellement dans l’ordre défini et régi par des règles, des lois, des principes d’un même monde – tout cela faisant consensus… Pour qui n’entre en aucun ordre donc, la perception de l’Autre entre alors dans une dimension qui dépasse le « cadre » de l’éducation, de la culture, de la sensibilité qui sont les siennes… Et, comme il n’en est point de même, réciproquement, de l’Autre à l’égard de celui, de celle qui n’est d’aucun ordre ; alors celui, celle qui n’est d’aucun ordre ne peut nulle part trouver sa place, nulle part où se rendre, et d’ailleurs, il est difficilement accepté où que ce soit – quand il n’est pas rejeté, ou « invité » à partir s’il est parvenu à s’introduire… À moins que de lui-même il ne s’en aille…


     

    Il n’y a de relation heureuse entre personnes, proches ou moins proches, qu’en partie…


     

    Mais, pour qui n’est d’aucun ordre, la relation heureuse entre personnes proches ou moins proches, est rare ; et quand elle l’est, heureuse, elle peut être intense, durable et inconditionnelle…


     


     

  • Dans la boîte aux lettres plutôt que de vive voix et en face

    … Un ami Vosgien – hélas disparu depuis 15 ans – avait, à l’âge de 86 ans à l’époque – cela devait être je crois en 2006, mon ami étant mort en 2008 – trouvé un matin, dans sa boîte aux lettres, un petit mot inamical de son voisin demeurant à moins de 50 mètres de sa maison, lui signifiant (lui reprochant) d’avoir utilisé sa tondeuse au-delà de 17 h un jour de semaine…

    Mon ami âgé de 86 ans, un jour d’été particulièrement chaud, avait en effet attendu 17h pour utiliser sa tondeuse autour de sa maison, sur un espace d’environ 30 ou 40 mètres d’un côté, 50 ou 60 mètres de l’autre côté…

    Le voisin en question était, de notoriété publique, un personnage « peu sympathique et pointilleux » et mon ami ne le voyait pour ainsi dire jamais, d’ailleurs ce voisin peu sympathique ne disait « ni bonjour ni merci ni merde » à qui que ce soit… Et « n’avait pas été foutu de comprendre » que mon ami âgé préférait tondre lorsqu’il faisait moins chaud…

    Ce genre de comportement (dépôt d’un mot inamical en boîte aux lettres plutôt qu’une franche discussion « entre quat’zyeux ») m’a toujours sidéré, bien que ne m’étonnant pas trop, de la part d’un personnage peu sympathique, ronchon, pointilleux et, assez certainement d’une culture et d’une sensibilité « plus que limite »… Tel que l’était, ce voisin de mon ami…

    Cela dit, ce genre de comportement (dépôt d’un mot inamical et de surcroît non signé, en boîte aux lettres) au sujet d’un « différend de voisinage », par un voisin proche ; de la part d’une personne sensible, intelligente, cultivée, réservée… Correcte et fréquentable en somme… Lorsque cela peut arriver entre voisins… (En principe cela ne doit jamais arriver)… M’interpelle, m’étonne énormément, me surprend… En plus de me sidérer, et m’amène à m’interroger sur ce qu’est la relation humaine, sur le sens même de la relation humaine…

    « Qu’on se le dise » : de ma part, ça n’arrivera jamais, au grand jamais, de déposer dans la boîte aux lettres de l’un ou l’autre de mes voisins, que ce soit dans les Vosges où je suis en été, ou dans les Landes où je suis en hiver, un petit mot inamical de reproche au sujet de quelque « problème » que ce soit !

    Merde alors, comme si « lou boun diou » nous avait pas fait une langue pour parler ! …

    NOTE : « pour mémoire » ce texte que j’avais écrit en été 2008, intitulé « Un ami Vosgien » et qui figure dans mes « histoires anecdotes » et que l’on peut retrouver…


     


     

  • Que serait le film de la Grande Histoire sans les figurants ?

    … L’un des rôles principaux – je dirais presque que c’est une nécessité sinon même un devoir – d’un écrivain et plus particulièrement d’un écrivain de l’Histoire (et bien sûr d’un historien) … Consiste à porter à la connaissance de ses lecteurs, des personnages inconnus de l’Histoire, de mettre en scène dans leurs écrits, des personnages qu’ils ont rencontrés, appréciés, aimés, pour ce qu’il y avait en eux de singulier, d’unique, et qui ne ressemblait à personne… Une manière, en quelque sorte d’immortaliser par le témoignage, ces inconnus de l’Histoire…

    Mais… Pas seulement des personnages singuliers, appréciés, aimés… Mais aussi des personnages ordinaires ou communs...Pièces, chacun à leur manière, du Grand Puzzle…

    La « Grande Histoire » en effet, est surtout faite de personnages célèbres, et comme dans un film, des figurants plus ou moins nombreux, côtoient, sans que l’on remarque leur visage, les acteurs principaux, les « premiers rôles »…

    Non seulement l’Histoire est faite de personnages célèbres, en général des dominants, de grands possédants, des chefs et des capitaines de guerre, des vainqueurs, des conquérants, de grands bâtisseurs, des fondateurs, des princes, des rois, des empereurs et de leurs cours, des ducs, des comtes, des inventeurs, des intendants, des financiers ; de tout ce qui est de haut rang dans la société, de femmes, amantes, maîtresses célèbres… Mais elle est aussi faite, l’Histoire, de châteaux, de belles demeures, de grandes propriétés, de fêtes somptueuses, de ce que l’on peut voir par exemple dans « Secrets d’Histoire » à la télévision, de Stéphane Bern…

    Certes, cette Histoire là, c’est celle qui « fait rêver » les « communs du mortel » que nous sommes… Et qui ne seront jamais dans les châteaux ni d’aucune grande fête du genre « Garden Partie » du 14 juillet à l’ Élysée…

    Mais sans les figurants, sans les gens du commun, dont pour beaucoup d’entre eux « de bonne volonté » et « en leur genre, chacun, chacune, artisan ou artiste, ou pièce du Grand Puzzle… L’Histoire ne pourrait raconter les châteaux, les princes, les rois, les empereurs, les conquérants, les bâtisseurs…

    Trente six mille ouvriers, manœuvres, artisans, exécutants, durant un demi siècle ont contribué à l’édification du château de Versailles, demeure des rois de France depuis Louis Le Grand…

    Des milliers d’ouvriers dont beaucoup morts à la tâche, ont contribué à l’édification des cathédrales…


     


     

  • Merde aux buzz et aux storie's !

    … Cent, deux cents, trois cents, six cents – ou mille ou plus – amis sur Facebook… Si seulement deux ou trois, de ci de là, occasionnellement, de ces cent, deux cents, trois cents, mille amis – avec ou sans mention « j’aime » - « se fendent de quelques lignes voire de trois mots » en réponse, réaction, commentaire à ce que tu as posté – ce matin, hier soir, avant-hier, il y a huit jours… - Quel est l’intérêt, pour toi, d’avoir une liste d’amis « longue comme une limousine, voire aussi longue que la suite de voies ferrées reliant Lisbonne à Vladivostok ou à Pékin (Beijing) ? » - rire- …

    Sinon… Si l’on veut parler d’intérêt, celui d’imaginer qu’un certain nombre de ces cent, deux cents, trois cents, mille amis, peuvent être des lecteurs – occasionnels ou réguliers – de ce que tu postes ? …

     

    Quand tu ouvres une fenêtre de la pièce où tu te trouves, tu vois un paysage, une rue, une cour intérieure d’immeuble, des gens qui passent dans la rue, etc. … Selon le lieu où tu habites, à la campagne, dans une ville…

    À défaut de fenêtre, si tu n’as aux quatre côtés de la pièce où tu te tiens, que des murs – à la limite une porte qui, ouverte donne dans un couloir – et si tu veux une fenêtre que tu n’as pas, alors cette fenêtre il te faut l’imaginer et… Imaginer de voir… Des gens passer, un paysage, une rue, des visages…

     

    De certitude il n’y en a vraiment ou assurément qu’une seule : par la fenêtre imaginaire, passe et s’étend, tout près, au loin, très loin, en tout lieu de la Terre là où il y a des humains ; tout ce que tu peux et décides d’exprimer, porté comme par un « fluide »… Ce qui est « mieux » - si l’on veut- que d’écrire ou de dessiner sur l’un des quatre murs qui t’entourent, parce que les murs ne projettent pas, à l’extérieur, de « fluide »…

    Jadis, la fenêtre imaginaire pouvait être une page de cahier, de carnet, une feuille de papier tout aussi dépourvue de « fluide »… À moins que couverte d’exprimé qu’elle était, cette page, elle n’ait pu être transmise, transportée et remise entre les mains d’un destinataire… Ce qui ne garantissait nullement une réponse, pas plus, d’ailleurs que la lecture de l’exprimé qui la recouvrait…


     

    Pour en revenir à Facebook, aux réseaux sociaux du Net, comment se fait-il que tant de posteurs – de mots, d’images, de séquences filmées, de ce que l’on appelle des « storie’s »… Se voient « gratifiés » de mille, un million de « vues » ou de « likes »… Comment se fait-il qu’il y ait autant de « héros du jour », autant d’auteurs et de productions de tous ces auteurs plutôt posteurs qu’auteurs à vrai dire… Comment se fait-il qu’autant d’événements de la vie qu’on vit, de ce qui arrive à un tel une telle, de tout ce que l’on voit, filme, photographie et montre, puisse faire un « buzz énorme », une « Une  mille fois plus Une que la Une de n’importe quel journal… Et qu’il y ait autant – par dizaines et centaines de millions – de « journalistes » de « pseudo-journalistes » ? …

    Et… au contraire de tout cela, d’autres posteurs – pourtant prolixes et sans cesse présents jour après jour – à peine « gratifiés » d’un « like » de temps à autre, ne recevant pas, le plus souvent, de réponse, ne « faisant jamais de buzz » … Que je sache : « ils ne sont pas tous des pestiférés », ceux là, celles là ? … Et quand bien même en seraient-ils, des pestiférés ? … Quand on pense par exemple à des rappeurs violents et racistes producteurs d’albums « tam-tam – cœurs – de - pieuvriques » et à tant d’autres vociférants exhibitionistes cent mille fois plébiscités de leurs « followers » … De quels pestiférés, oui, peut-on, doit-on parler, « bons à zapper » ?

    Ce qu’il y a de sûr, sûr et certain… Hélas mille fois certain… C’est que les temps que nous vivons – en dépit de ce qu’offre la Toile en matière de possibilité de diffusion, de liberté d’expression, d’accessibilité de tous à ce qui se voit, se montre, se publie ; en matière d’auto-édition et donc de tout ce que l’on peut soi-même diffuser en tant que producteur (ce qui n’était pas le cas jadis, avant internet) – ne sont plus des temps de « découvreurs de talents », des temps pour les poètes, pour les rêveurs, pour les penseurs, pour les créateurs ; des temps pour qui fait œuvre d’écriture ; des temps pour la réflexion, des temps pour « dire les choses » comme on le disait jadis dans une lettre écrite à la main à un ami ; des temps pour communiquer, pour échanger autrement que péremptoirement… Mais que ce sont des temps d’imprécations, de propos lapidaires ; des temps pour la brièveté, pour la rapidité, pour l’immédiateté ; des temps où dès que tu postes sur la Toile, dans un blog, dans un forum de discussion, sur des réseaux sociaux, plus de dix lignes… Tu n’as plus de visibilité, plus de portée, et que tu es « vite fait zappé »… Et qu’il n’y en a plus que pour les Youtubeurs « tam tam musicalaristes » ou posteurs de vidéo-storie’s, pour des millions de Une du jour, pour de la fesse qui se dandine, pour du « postcast », pour des galeries d’images, pour tout ce qui fait de l’émotion « claque-binguante », pour ce qui braille et rudoie, « kalachnikove », malmène, déconsidère, injurie, provoque, agresse, détruit, réduit, anéantit, dévalorise…


     

    … Le pire pour celui ou celle qui n’a jamais de réponse ou qui en a une à chaque tremblement de terre… C’est lorsque dans sa liste d’amis, il y en a une dizaine parmi les cent, deux cents, trois cents ou mille, qui sont des amis privilégiés et qui, au moins eux, devraient se manifester mais demeurent aussi silencieux que les autres…

    Merde aux buzz et aux storie’s ! …


     


     

  • Gustave Flaubert, vu par Guy de Maupassant dans ses chroniques, en 1876

    … Voici le texte intégral de la première chronique de Guy de Maupassant, du 22 octobre 1876 « Gustave Flaubert » …

    Gustave Flaubert, écrivain Français né à Rouen le 12 décembre 1821 et mort à Croisset – commune de Canteleu, en Seine Maritime – le 8 mai 1880…

     

    M’adressant tout particulièrement à celles et ceux d’entre vous qui conçoivent, acceptent, et donc, prennent le temps de lire (Ce qui, soit dit en passant, n’est guère très courant ni d’actualité sur la Toile et dans les réseaux sociaux)… Prennent le temps de lire mais aussi et surtout sont des personnes « aimant la littérature (et la langue française) » … Je dis que ce texte de Guy de Maupassant, écrit en 1876, est de nos jours encore, « tout à fait d’actualité » dans la mesure où il est le reflet de ce que « devrait être » - intemporellement – (c’est à dire de toutes les époques) un écrivain, en fait de toute l’œuvre d’un écrivain)…

     

    En un seul mot pour résumer : si un écrivain est en même temps un artiste, alors oui, c’est un écrivain… Quoique cela ne signifie point pour autant qu’un écrivain « bon artisan de l’écriture plutôt qu’artiste de l’écriture » ne soit pas, tout de même et heureusement pour un large public, un écrivain auteur d’ouvrages, de livres publiés… Parce qu’un bon artisan en toute chose autre que l’écriture (je pense à un ébéniste, à un orfèvre par exemple) mérite reconnaissance de la qualité de sa facture ou de sa « patte » personnelle… (Seulement il faut à mon sens, bien différencier – en littérature - « artisan de l’écriture » et « écrivain – artiste de l’écriture » …

     

     

    « De temps en temps, parmi les écrivains qui laisseront leur nom à la postérité, il s’en trouve qui se font une place spéciale par la perfection et par la rareté de leurs œuvres. D’autres, à côté, produisent abondamment mêlant le rare au banal, les choses trouvées aux choses communes, et forçant le critique et le lecteur à un travail considérable pour démêler ce qui doit rester de ce qui doit disparaître. Mais eux, par un enfantement laborieux et patient, produisent une œuvre absolue, parfaite dans l’ensemble et dans les détails. Et si tous les ouvrages de ces auteurs n’obtiennent pas auprès du public un succès absolument égal, il y a toujours au moins un de leurs livres qui reste dans l’histoire des Lettres avec l’étiquette de chef-d’œuvre, comme ces tableaux des grands maîtres qu’on place au Louvre dans le salon carré.


     

    M. Gustave Flaubert n’a encore produit que quatre livres et tous resteront. Il se peut qu’un seul soit qualifié de chef-d’œuvre, et cependant les autres ne l’auront certes pas moins mérité que celui-là.


     

    Tout le monde a lu Mme Bovary, Salammbô, l’Éducation sentimentale et la Tentation de saint Antoine ; tous les journaux ont fait si souvent l’analyse de ces ouvrages que je n’ai point l’intention de la recommencer. Je veux parler d’une manière générale de l’œuvre de M. Flaubert, et y chercher des choses que tout le public n’y a peut-être pas vues jusqu’à présent.


     

    Les gens qui jugent tout sans rien savoir, et qui s’empressent, aussitôt que vient de paraître un livre d’un genre nouveau et inconnu, d’y attacher, comme une pancarte, la bêtise de leur jugement qu’ils croient être éternel, ont proclamé bien haut, à l’apparition de Mme Bovary, que M. Flaubert était un réaliste, ce qui dans leur esprit, signifiait matérialiste.


     

    Depuis il a publié Salammbô, un poème antique, et Saint Antoine, une quintessence des philosophies ; cela ne fait rien ; des journalistes compétents l’avaient baptisé matérialiste, et matérialiste il est resté pour les cerveaux rudimentaires des gens bien pensants.


     

    Ce n’est point ici la place de faire l’histoire du roman moderne et d’expliquer toutes les causes de l’émotion profonde soulevée par l’apparition du premier livre de M. Flaubert. Il me suffira de faire ressortir la plus importante.


     

    Depuis l’origine des temps, le public français buvait avec délices l’onctueux sirop des romans invraisemblables. Il aimait les héros et les héroïnes et les choses qu’on ne voit jamais dans la vie, pour l’unique raison qu’elles sont irréalisables. On appelait les auteurs de ces livres des idéalistes, simplement parce qu’ils se tenaient toujours à des distances incommensurables des choses possibles, réelles, matérielles. — Quant à des idées, ils en avaient peut-être encore moins que leurs lecteurs. Balzac est venu, et c’est à peine si on y a fait attention dans le commencement. — C’était pourtant un innovateur étrangement puissant et fertile et un des maîtres de l’avenir, écrivain imparfait, sans doute, gêné par la phrase mais inventeur de personnages immortels qu’il faisait mouvoir comme dans un grossissement d’optique, les rendant par cela même plus frappants et en quelque sorte plus vrais que la réalité ! — Madame Bovary paraît, et voilà tout le monde bouleversé. — Pourquoi ? Parce que M. Flaubert est un idéaliste, mais aussi et surtout un artiste, et que son livre était cependant un livre vrai ; parce que le lecteur, sans s’en rendre compte, sans savoir, sans comprendre, a subi la toute-puissante influence du style, l’illumination de l’art qui éclaire toutes les pages de ce livre.


     

    En effet, la première qualité de M. Flaubert, qui pour moi éclate aux yeux dès qu’on ouvre un de ses ouvrages, c’est la forme ; cette chose si rare chez les écrivains et si inaperçue du public ; je dis inaperçue, mais sa force irrésistible domine et pénètre ceux qui y croient le moins, comme la chaleur du soleil échauffe un aveugle qui n’en voit cependant point la lumière.


     

    Le public entend généralement par « forme » une certaine sonorité des mots disposés en périodes arrondies, avec des débuts de phrases imposants et des chutes mélodieuses. Aussi ne s’est-il presque jamais douté de l’art immense enfermé dans les livres de M. Flaubert.


     

    Chez lui, la forme c’est l’œuvre elle-même : elle est comme une suite de moules différents qui donnent des contours à l’idée, cette matière dont sont pétris les livres. Elle lui fournit la grâce, la force, la grandeur, toutes ces qualités, qui, pour ainsi dire, dissimulées dans la pensée même, n’apparaissent que par le secours de l’expression. Variable à l’infini comme les sensations, les impressions et les sentiments divers, elle se colle sur eux, inséparable. Elle se plie à toutes leurs manifestations, leur apportant le mot toujours juste et unique, la mesure, le rhythme particulier pour chaque circonstance, pour chaque effet, et crée par cette indissoluble union ce que les littérateurs appellent le style, fort différent de celui qu’on admire officiellement.


     

    En effet, en appelle généralement style une forme particulière de phrase propre à chaque écrivain, ainsi qu’un moule uniforme dans lequel il coule toutes les choses qu’il veut exprimer. De cette façon, il y a le style de Pierre, le style de Paul et le style de Jacques.


     

    Flaubert n’a point son style, mail il a le style ; c’est-à-dire que les expressions et la composition qu’il emploie pour formuler une pensée quelconque sont toujours celles qui conviennent absolument à cette pensée, son tempérament se manifestant par la justesse et non par la singularité du mot.


     


    « Hors le style, point de livre, » telle pourrait être sa devise. Il pense, en effet, que la première préoccupation d’un artiste doit être de faire beau ; car, la beauté étant une vérité par elle-même, ce qui est beau est toujours vrai tandis que ce qui est vrai peut n’être pas toujours beau. Et par beau je n’entends point le beau moral, les nobles sentiments, mais le beau plastique, le seul que connaissent les artistes. Une chose très laide et répugnante peut, grâce à son interprète, revêtir une beauté indépendante d’elle-même, tandis que la pensée la plus vraie et la plus belle disparaît fatalement dans les laideurs d’une phrase mal faite. Il faut ajouter qu’une partie du public hait jusqu’au mot « forme », comme on hait toujours ce qu’on est incapable de comprendre.


     

    Donc M. Flaubert est avant tout un artiste ; c’est-à-dire : un auteur impersonnel. Je défierais qui que ce fût, après avoir lu tous ses ouvrages, de deviner ce qu’il est dans la vie privée, ce qu’il pense et ce qu’il dit dans ses conversations de chaque jour. On sait ce que devait penser Dickens, ce que devait penser Balzac. Ils apparaissent à tout moment dans leurs livres ; mais vous figurez-vous ce qu’était La Bruyère, ce que pouvait dire le grand Cervantes ? Flaubert n’a jamais écrit les mots je, moi. Il ne vient jamais causer avec le public au milieu d’un livre, ou le saluer à la fin, comme un acteur sur la scène, et il ne fait point de préfaces. Il est le montreur de marionnettes humaines qui doivent parler par sa bouche, tandis qu’il ne s’accorde point le droit de penser par la leur ; et il ne faut pas qu’on aperçoive Les ficelles ou qu’on reconnaisse la voix.


     

    Fils d’Apulée, fils de Rabelais, fils de La Bruyère, fils de Cervantes, frère de Gautier, il a bien moins de parenté avec Balzac, quoi qu’on en ait dit, et encore moins avec le philosophe Stendhal.


     

    Flaubert est l’écrivain de l’art difficile, simple et compliqué en même temps : compliqué par la composition savante, travaillée, qui donne à ses œuvres un caractère frappant d’immutabilité ; simple dans l’apparence, tellement simple et naturel qu’un bourgeois, avec l’idée qu’il se fait du style, ne pourra jamais s’écrier en le lisant : « Voilà, ma foi, des phrases bien tournées. »


     

    Il devine juste comme Balzac, il voit juste comme Stendhal et comme bien d’autres ; mais il rend plus juste qu’eux, mieux et plus simplement ; malgré les prétentions de Stendhal à une simplicité qui n’est en somme que de la sécheresse, et malgré les efforts de Balzac pour bien écrire, efforts qui aboutissent trop souvent à ce débordement d’images fausses, de périphrases inutiles, de relatifs, de « qui », de « que », à cet empêtrement d’un homme qui, ayant cent fois plus de matériaux qu’il n’en faut pour construire une maison, emploie tout parce qu’il ne sait pas choisir, et crée néanmoins une œuvre immense, mais moins belle et moins durable que s’il avait été plus architecte et moins maçon ; plus artiste et moins personnel.


     

    L’immense différence qu’il y a entre eux est là en effet tout entière : c’est que Flaubert est un grand artiste et que la plupart des autres n’en sont point. Il est impassible au-dessus des passions qu’il agite. Au lieu de rester au milieu des foules, il s’isole dans une tour pour considérer ce qui se passe sur la terre, et, n’ayant plus la vue bornée par les têtes des hommes, il saisit mieux les ensembles, il a des proportions plus définies, un plan plus ferme, des horizons plus développés.


     

    Lui aussi il construit sa maison, mais il sait les matériaux qu’il doit employer, et il rejette les autres sans hésitations. Aussi son œuvre est-elle absolue, et on n’en pourrait enlever une parcelle sans détruire l’harmonie totale ; tandis qu’on peut couper dans Balzac, couper dans Stendhal, couper dans tant d’autres, et bien fin qui s’en apercevrait.


     


    Il ne pense pas, comme quelques-uns, que l’intelligence et l’inspiration, que le hasard et le tempérament suffisent pour faire un livre, que le renseignement soit inutile et la longue recherche méprisable, car il est de la race ancienne des gens qui savaient beaucoup. Au lieu d’ignorer que le monde existait avant 93, et qu’on savait écrire avant 1830, il a médité comme Pantagruel sur tous les docteurs d’autrefois. Il connaît l’histoire mieux qu’un professeur, parce qu’il l’a apprise dans beaucoup de livres où ils ne vont point la chercher ; et il a étudié pour ses ouvrages la plupart des sciences, seulement accessibles aux spécialistes. Mieux que les vieux savants courbés, il sait les généalogies des villes mortes et des peuples disparus, avec leurs coutumes, leurs mœurs, les étoffes dont ils se couvraient et les mets bizarres qu’ils mangeaient de préférence. Il possède le Talmud comme un rabbin ; les Évangiles comme un prêtre ; la Bible comme un protestant ; le Coran comme un derviche. Il sait l’enchaînement des croyances, des philosophies, des religions et des hérésies. Il a fouillé toutes les littératures, prenant des notes dans beaucoup de livres inconnus, les uns parce qu’ils sont rares, les autres parce qu’on ne les lit point. Il connaît les écrivains de génie presque ignorés que produisirent les décadences des peuples, les commentateurs et les bibliographes, les libres profanes comme les livres sacrés, les vies des saints, les pères de l’Église et les auteurs que les hommes pudiques n’osent pas nommer. Il a rassemblé pour nous les communiquer, dans quelque jour d’indignation et de colère, un volume entier fait avec les fautes des écrivains sans style, les barbarismes des grammairiens, les erreurs des faux savants, toutes les vanités et tous les ridicules qui passèrent inaperçus et dont il soufflettera le monde.


     

    Les journalistes ne connaissent pas sa figure.

    Il trouve que c’est assez de livrer ses écrits au public et il a toujours tenu sa personne bien loin des popularités, dédaignant la publicité bruyante des feuilles répandues, les réclames officieuses et les exhibitions de photographies aux vitrines des marchands de tabac, à côté d’un criminel fameux, d’un prince quelconque et d’une fille célèbre.


     

    Il n’est guère accessible qu’à un petit nombre d’amis, hommes de lettres, dont il est aimé comme on ne l’est jamais d’un confrère et comme on l’est rarement d’un parent, car il soulève autour de lui les affections profondes. Mais comme il ne livre pas sa personne aux curiosités des foules, avides de regarder aux vitres des hommes connus comme à la cage d’un animal curieux, des légendes circulent autour de sa maison, et il se peut que, chez quelques-uns de ses concitoyens, on l’accuse sérieusement d’avoir mangé du bourgeois, ce qui serait dam tous les cas aussi vrai que le fameux dîner de charcuterie, chez Sainte-Beuve, un vendredi saint, dîner qui, sous la plume de journalistes bien informés, mais surtout bien inspirés, a fini par devenir une intolérable « scie ».


     

    Enfin, pour contenter les gens qui veulent toujours avoir des détails particuliers, je leur dirai qu’il boit, mange et fume absolument comme eux : qu’il est de haute taille, et que, lorsqu’il se promène avec son grand ami Yvan Tourgueneff, ils ont l’air d’une paire de géants. »