Aragon

  • Louis Aragon, ce 24 décembre jour anniversaire de sa disparition

    … L’une de ses citations parmi d’autres :

     

    “Je crois encore qu’on pense à partir de ce que l’on écrit, et pas le contraire”

     

    … Né le 3 octobre 1897 et mort le 24 décembre 1982, Louis Aragon a donc traversé cet “emblématique” 20 ème siècle sur le plan de la Culture, du Théâtre, du Cinéma et de l’Art…

    Pourrait-il, vivant de nos jours, dans la culture du 21 ème siècle, encore écrire cette citation ?

    À une époque où l’on écrit comme l’on parle et où l’on pense plus vite, même, que l’on ne parle ; et où l’on se soucie peu de donner du contenu, de la densité, et du sens, à la pensée, mais plutôt du panache ou de la cravache ?

     

    … Ce que j'apprécie chez Louis Aragon, pour lequel j'ai, disons, une vénération quasi équivalente à celle que j'ai pour Albert Camus, c'est la diversité, la pluralité, la densité de son œuvre poétique, romanesque, littéraire, dans des styles et des registres différents, ainsi que le fait qu'il a été proche du mouvement surréaliste des années d'avant guerre, du Dadaïsme notamment ; et son engagement dans la résistance durant la 2ème guerre mondiale, engagement que l'on retrouve dans ses écrits, ses idées, ses poèmes, dans toute son œuvre en somme...

    Peu d'écrivains - parmi les plus grands- du 20ème siècle (un siècle "emblématique" et "marquant" par l'ampleur et par le caractère de ce qui a été produit en Art, Littérature, Théâtre, Cinéma), peu d'écrivains, oui, ont à mon sens, une telle "envergure", ont eu une expression, des styles bien à eux, des registres, aussi différenciés...

    Je vois mal -mais peut-être que je manque de recul, de connaissances approfondies et suffisamment diverses- comment notre siècle, le 21ème, pourrait parvenir à produire avec pourtant un aussi grand nombre d'écrivains, des œuvres de dimensions comparables à celles du siècle dernier.

    Sans doute qu'Internet et les réseaux sociaux, l'écriture en ligne, la profusion de tout ce qui est exprimé "à tout va"... A-t-il "changé la donne" ("médiocrisé”, subverti, délayé, banalisé?)... Quoiqu'il en soit, il me paraît difficile de porter un jugement... Et d'ailleurs, lequel, avec quel regard?

     

     

    Parfois je me dis que cette immense diversité et que ce si grand nombre d'écrivains, d'artistes, de producteurs, auteurs, aujourd'hui, même dans une médiocrité, dans une banalisation ambiante aussi généralisée ; c'est peut-être un "bien" ou une "porte plus grande ouverte", pour l'évolution de la Culture, pour la Civilisation... Une possibilité pour que davantage de talents, de "vrais talents" apparaissent et soient découverts...

    Mais d'autres fois je me sens un peu désespéré, ou au moins pire, sceptique, du fait que je demeure conditionné, en tant que né au milieu du 20ème siècle, par la Culture du 20 ème siècle et ayant passé plus de la moitié de ma vie à la même époque que celle de ces "grands disparus" qui d'ailleurs pour certains d'entre eux, ne cessent d'être "remis en scène" (ou "revisités")...

    Il me faudrait, peut-être, le regard des nés bien après moi, qui eux, n'ont pas connu le 20ème siècle (ou s'ils l'ont connu, c'est par leurs parents)...

    Une question "grave" dis-je... Et "intéressante"... Quand elle n'est pas désespérante par moments (des moments dont on finit par se remettre)…

     

     

  • La mémoire, une fabrique de "faux-vrais" souvenirs ? ...

    ... Au tout début de son prologue de la biographie de Louis Aragon, Philippe Forest écrit cette première phrase :

     

    "Je me méfie de la mémoire. Elle fabrique à foison de faux souvenirs que l'on prend pour des vrais".

     

    Plus loin, dans "Un album de famille" à la page 56 ( ARAGON, Biographies nrf Gallimard), Philippe Forest dit :

     

    "Jusqu'où faut-il croire Aragon? Dans quelle mesure convient-il d'accorder créance au récit qu'il nous fait de son enfance et qui le présente donc comme un petit garçon pauvre et méprisé, grandissant aux côtés d'une mère victime à la fois des siens et de l'homme qui a profité d'elle mais s'est toujours refusé à lui faire une vraie place dans la vie?" .../...

    .../... Chacun d'entre nous réécrit le roman de sa vie à mesure qu'il vieillit. Et cette fiction finit par devenir la seule vérité qui compte"...

     

    J'ai toujours dit qu'entreprendre par écrit le récit de sa vie et en particulier de son enfance, c'est ce qu'il y a de plus difficile en littérature... Et qu'une biographie d'un écrivain par un autre écrivain, est une oeuvre encore plus difficile à réaliser...

     

    Toute la difficulté à mon sens, réside en partie dans la capacité qui est celle de l'écrivain, à donner aux personnages dont il parle, le rôle principal... En n'étant en somme que le narrateur (mais cependant le narrateur qui, dans les situations et dans les évènements vécus, apparaît lui aussi dans un rôle principal)...

     

    Ensuite la difficulté tient aussi dans la manière dont le récit est présenté (et sera transmis)... Il est à peu près évident -en général- que l'auteur du livre de sa vie, ou que le biographe d'un auteur ; tend à donner à son récit, davantage l'atmosphère qu'il veut y mettre, plutôt que l'atmosphère qui "colle" à la réalité et à l'exactitude des situations, des événements...

    Et il y a enfin la "vérité historique" du récit, des situations, des événements, des personnages évoqués (et avec la situation précise dans le temps, les dates... tout cela corroboré par des documents authentiques, des témoignages recueillis)...

     

    Que penser -c'est la réflexion qui me vient- cependant, d'une "fiction" ou d'une "autofiction", c'est à dire d'un récit évoquant un personnage principal s'apparentant à l'auteur lui-même?

     

    Le "Mentir vrai" de Louis Aragon (1964) ou plus généralement mentir ou arranger... Faut-il en faire procès, ou affaire d'opinion, ou affaire de morale ? ... Dans la mesure où ce qui est écrit, tel quel, vrai ou imaginé ou arrangé... Peut apporter au lecteur ?

     

    Pour répondre -si une réponse est possible- à la question du "mentir vrai" de Louis Aragon, ou de mentir et d'arranger, plus généralement... Je ne vois en vérité, que ceci :

     

    les personnages évoqués dans une oeuvre autobiographique (pour beaucoup disparus), ont tous des descendants directs et ou collatéraux qui, à un moment ou un autre peuvent avoir connaissance de ce qui a été écrit... (et cela d'autant plus avec Internet, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, l'édition en ligne à la portée de tout un chacun)...

     

    Et l'auteur du livre de sa vie ou le biographe, doit peut-être à mon sens, s'interroger au sujet de ce qui sera perçu par un proche, un descendant du ou des personnages évoqués : c'est là qu'intervient la nécessité de l'exactitude des situations, des événements, des faits... et cela dans le contexte particulier qui fut...

    Reste la question du jugement ou de la morale que se fait le lecteur, ce lecteur pouvant être un descendant de tel ou tel personnage évoqué...

    La part faite à la morale et au jugement n'éclipse-t-elle pas en partie, la "dimension littéraire" de l'oeuvre ?