Benoît Duteurtre

  • Ma vie extraordinaire, de Benoît Duteurtre, Gallimard 2021

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    … Né le 20 mars 1960 à Sainte Adresse en Seine Maritime, disparu à l’âge de 64 ans dans sa maison familiale du Valtin dans les Vosges, le mardi 16 juillet 2024 ; Benoît Duteurtre, écrivain Français, selon Milan Kundera « avait un sens aigü du réel et l’art de saisir la nudité comique des choses »…

     

    Intéressé par les aspects concrets de notre époque – fin du 20ème et premier quart du 21ème siècle – ainsi que par les traits de caractère et par les comportements de nos concitoyens dans des situations particulières durant cette époque « à cheval » entre deux siècles ; Benoît Duteurtre est l’un sinon peut-être celui, de tous les écrivains de cette époque, qui a su au mieux, révéler par son langage, par son style, ce « pays des modes en France, avant-gardiste autoproclamé, radical, destructeur et grotesque…

     

    Ayant lu, de lui : Tout doit disparaître, Gaieté parisienne, Le voyage en France, Service clientèle, Les pieds dans l’eau, l’été 76, L’ordinateur du paradis, et récemment, Ma vie extraordinaire… Autrement dit presque tous ses livres, je puis dire de Bernard Duteurtre qu’il est, avec Michel Houellebecq, l’un des écrivains dont je me sens le plus proche en tant que témoin et, en quelque sorte « paysagiste observateur et critique de notre société actuelle » que je puis être moi-même – à ma façon…

     

    Je partage aussi avec lui son engouement pour les Vosges – en particulier cette région en gros de Plainfaing, de la vallée du Rudlin, du village du Valtin, et du Grand Valtin et des hautes chaumes, ce « coin des Vosges » qui à mon sens, est très représentatif du département des Vosges et pour lequel j’ai -disons- « une certaine affection »… Pour les gens « du coin », pour les paysages, pour une « qualité de la relation humaine » empreinte de réalisme parfois assez cocasse, d’humour, de capacité d’accueil, de gentillesse, de simplicité… (Je n’ai pas trouvé « à ce niveau là » ailleurs, en France, l’équivalent – quoique dans d’autres régions « relativement approchant »)…

     

    Cela dit, lire Benoît Duteurtre est peut-être « plus reposant » que lire Michel Houellebecq… (à mon sens)…

     

    « Je ne fêterai donc pas, hélas, mes cent ans le 9 janvier 2048, à la terrasse d’un café du Valtin ou de Plainfaing en compagnie de Benoît Duteurtre (que j’ai rencontré au Festival International de Géographie à Saint Dié, plusieurs années de suite où il venait régulièrement »)…

     

    Page 48 :

    « L’enchantement de l’eau s’éveillait comme un murmure, depuis mon lit où frappait le soleil du matin. En même temps que le chant des coqs au loin, j’aimais plus que tout ce clapotis des ruissseaux et des rigoles qui, autour du Moulin, dévalaient la prairie et produisaient en permanence un bruit léger, comme celui des fontaines des palais arabes où l’on savait que cette sonorité apaise les sens et soigne l’esprit. »

     

    Page 49 :

    « Toute cette fraîcheur convergeait vers le lit de la Meurthe et celui de la Vologne. Cette dernière formait la « vallée des lacs » qui se succédaient d’amont en aval : Retournemer le plus sauvage, Longemer le plus beau et Gérardmer le plus vaste. Les Vosges étaient vraiment le pays de l’eau »…

     

    Gérardmer vient de Gérard Meix (du nom d’un « seigneur local du haut Moyen Age » fondateur de la ville) … Gérardmer se prononce donc Gérardmé…

     

     

  • Ma vie extraordinaire, de Benoît Duteurtre

    … Un livre peut-il être de par son contenu en certaines de ses pages, une quête du merveilleux jusque dans la banalité de la vie, jusque dans des faits, des gestes, des accomplissements des plus ordinaires, des plus communs, de la vie quotidienne des gens dans l’environnement où ils vivent, dans leur maison, là où ils demeurent et s’activent, sur les lieux de leur travail, dans leurs déplacements par exemple pour « faire des achats » dans des magasins ou dans des surfaces commerciales, dans leurs loisirs habituels qui sont ceux auquels se livrent des milliers de personnes hommes, femmes, en famille avec leurs enfants, sorties, promenades, cinéma, télévision, lecture, jardinage, bricolage, etc. … ?

     

    Comme dans « Ma vie extraordinaire » de Benoît Duteurtre, un récit introspectif, humoristique, par moments nostalgique et dans une réflexion sur la modernité ambiante du 21ème siècle, une modernité dans laquelle les beautés de la vie d’autrefois sont évoquées, ne sont donc pas « précipitées au fond des oubliettes » …

     

    Mais… Que dire de ces banalités de la vie au quotidien, qui sont celles de millions et de millions de gens en France, dans nos régions, dans nos villes, jusque dans des « lieux excentrés en rase campagne »… Et partout dans le monde… Sinon que toutes ces banalités, ces vies de millions d’êtres humains, sont « à mille lieues » de ce que vivent dans un quotidien très différent, des gens tels que Benoît Duteurtre, tels que tous ces gens du monde du spectacle, du cinéma, du théâtre, de la littérature, des arts, dans un environnement de relations qui sont les leurs (mais pas celles, de relations, du « commun des mortels ») ?

     

    Que dire,oui, de ce qu’il peut y avoir de merveilleux dans la banalité, dans ce qui est commun à des millions de gens partout dans le monde, vu ainsi par des gens dont la vie qu’ils mènent est à « mille lieues » de la vie du commun des mortels ?

     

    Où les uns – mais pas les autres – passent-ils leurs vacances ; en quels lieux, avec qui, et en quelles conditions particulières (de confort, d’aisance, d’équipements « high tech », de logement, de restauration, d’activités de loisirs) ?

     

    Comment les uns – mais pas les autres – se vêtent, se déplacent, résident, voyagent, et en quels lieux d’achat se fournissent-ils pour se procurer ce dont ils ont besoin et leur est indispensable ?

     

    Les uns sont une petite, très petite minorité au regard de l’ensemble de la population de notre planète…

    Les autres sont des milliards…

    Tout est dit

    L’ordre du monde

    L’ordre des « ceu’s et celles » qui ne vivent pas dans leur quotidien, comme toi tu vis…

    Deux mondes différents, très éloignés l’un de l’autre…

    Et l’éloignement n’est pas forcément ce qui sépare les uns des autres… Parce qu’il y a de l’éloignement aussi et surtout… Dès lors qu’apparaît une « petite différence de condition » d’existence entre des uns et des autres.

     

    « Monsieur et Madame Lorgueil » vous êtes là, bien là, présents, dès lors qu’ un peu de beurre vient d’être ajouté aux épinards dans la casserole !

     

     

  • Gaieté parisienne, de Benoît Duteurtre

    Gaite parisienne

         Benoît Duteurtre est un écrivain, romancier, essayiste et critique musical Français, né le 20 mars 1960 à Sainte Adresse, agglomération du Havre...

    Il vit à Paris, dans les Vosges et en Normandie.

    Il publie son premier texte en 1982 dans la revue Minuit, puis accomplit plusieurs métiers divers dans la musique et dans le journalisme. Il est l'auteur de quelques romans : L'amoureux malgré lui, Tout doit disparaître, Gaieté parisienne, ainsi que d'un recueil de nouvelles : Drôle de temps.

    Sa curiosité pour les situations et les décors contemporains, son écriture limpide, son humour décalé marquent sa singularité dans la littérature Française depuis la fin des années 90 , en particulier auprès des jeunes générations...

    Drôle de temps a obtenu en 1997 le prix de la Nouvelle, de l'Académie Française, et le prix Médicis en 2001 a couronné son roman Le voyage en France.


     

    Gaieté parisienne est une peinture de Paris à la fin du 20 ème siècle.

    Nicolas, un intellectuel d'une trentaine d'années, s'efforce de séduire le jeune Julien, étudiant en gestion, très à l'aise dans la société moderne. De boîte de nuit en cité de banlieue, la course poursuite entre Nicolas et Julien traverse un paysage étrange où les vestiges de l'ancien monde se mêlent aux entreprises de rénovation. Les protagonistes glissent de situations grotesques aux émotions imprévues, dans une Europe qui pourrait rappeler la Rome du Satiricon.

    Benoît Duteurtre met en scène la comédie de l'amour. Loin des conventions sentimentales, il explore le milieu « Gay » comme un miroir de la vie contemporaine, avec sa foi sexuelle, ses routines et ses tabous.

    Dans un style limpide, attentif à la vérité des apparences, il suit les trébuchements de Nicolas face aux incongruités de l'existence. Il raconte la laideur et la beauté d'une époque, celle que nous vivons et qui a commencé vers le milieu des années 80, alors que le téléphone portable et internet n'existaient pas encore, du moins pas dans la vie des gens, même dans les milieux artistiques et intellectuels, et que l'on s'envoyait des lettres écrites à la main postées en « express », des lettres enflammées de passion amoureuse, notamment, et qui étaient apportées par le facteur à la première heure... (Soit dit en passant, de nos jours en 2015, avec les mails, les smartphones, tablettes, internet et facebook... les « lettres ou messages de passion amoureuse – ou de « drague primaire » écrites à la main envoyées par la poste c'est « complètement obsolète et ringard »!)

    Gaieté parisienne c'est aussi -à mon sens- une vue, un tableau, un aperçu de tout ce que le monde, depuis la fin des années 80, est devenu : un monde sans bonté, où domine la loi des modes, des apparences, du « fashion », des « lieux branchés » en lesquels il faut être et paraître -si possible le meilleur, le plus « fun », le plus attendu, le plus regardé... Et le monde de toutes ces «idées nouvelles », de cette jeunesse dorée » des lycées, des classes de prépa aux grandes écoles et universités , qui sont devenus dans les années 2010/2020, les trentenaires, les quadragénaires « dans le sens du monde et bien dans leur peau », les nouveaux « décideurs »... Soit dit en passant, toute cette « crème » constituée en général de ces quadragénaires des « décideurs »,de l'économie et de la finance et de toute la « clique » des intellectuels qui gravite autour ; est à cent lieues du « citoyen lambda » qui lui, n'a pas fait d'études et dont la vie au quotidien est difficile, sans perspective... Ce « citoyen lambda » qui représente l'essentiel de la société Française, notamment dans les régions rurales, péri urbaines et surtout les régions autrefois industrielles devenues aujourd'hui des déserts médicaux et culturels, économiques, à l'écart des lieux touristiques et constellés de ce qui reste des sites de métallurgie, des « friches industrielles »...

    … Pour dresser un tableau de ce que ce monde des années 90 a produit, et ensuite a fragmenté en se diversifiant et en évoluant dans le tissu social à partir du début du 21ème siècle, je cite ces termes, ces mots, ces phrases, que j'ai relevés tout au long des pages de ce livre Gaieté parisienne, de Benoît Duteurtre... Et qui à mon sens, sont tout à fait représentatifs de notre époque :

    Subversion artistique et intellectuelle parrainé par le ministère de la culture...

    ...Idées nouvelles... Vitalité intellectuelle... Débats, saisir les idées dans l'air... Centre d'agitation esthétique... Nouvelles tendances... Liberté de l'esprit... Sujets quotidiens : le dernier match de foot, le prochain concert de jazz rock, les filles... Vastes perspectives, voyages, vêtements de marque... Divertissements spontanés, spectacles de plein air, musique aux carrefours, dans les rues... Musique pour la liberté... Mouvements de la cité, cafés artistiques et des libres-penseurs... Les marges de la vie moderne... Complexe commercial... New wave... show biz, dîners mondains... Soirée privée... Réussite, mérite... Look... Les mouvements du monde... semer un peu de désordre dans la culture... Etre jeune... House music, raves parties, mouvements parallèles... Contrôler les élans naïfs, dépasser le jeu des apparences... Agressivité de chacun envers tous les autres, à l'exception de ceux qui s'inséraient exactement dans votre archétype... S'éclater... Naturel provoquant... Harmonisation, crédit, législation internationale... Organisation du travail, des loisirs, du crédit, de l'amour... Pouvoir médiatique, intelligentsia parisienne... Existence construite autour d'une profondeur... Une meilleure conjugaison des lois du marché, des techniques de pointe, de la politique culturelle et de la protection sociale ; l'alliance du progrès moderne et de la vieille civilisation... Génération postmoderne... Culte érotique, liturgie fin de siècle... Club d'échanges et de réflexion ouvert sur le milieu intellectuel et le monde de l'entreprise...

    … En gros, pour résumer « tout ce qui pourrit le monde » et qui rappelle dans une certaine mesure, le déclin de l'Empire Romain... Mais là, de nos jours, en fait, il s'agit du déclin, de la déliquescence, de la brutalité, de la violence, du non sens et de l'absurdité de notre civilisation dans son ensemble, puisque même la ou les civilisations qui sont sensées s'opposer, notamment par des courants religieux et -ou- révolutionnaires ou idéologiques, sont elles mêmes imprégnées, gagnées par le pourrissement de la civilisation dominante...