cailloux

  • Un "drôle de rêve", nuit du 10 au 11 novembre

    … Toujours, dans ce “genre de rêve”, présent et passé – et parfois futur, et personnes vivantes ou disparues, et décors, environnements, et situations en général sensibles ou dramatiques, se superposent, se lient, se mêlent…

    Et presque toujours le “personnage central” que je suis dans l’ histoire, est soit un adolescent, soit un jeune adulte, rarement âgé de l’âge que j’ai…

    Voici :

    C’était lors d’une sortie en bord de mer, un rivage rocheux, de plages étroites recouvertes d’un sable caillouteux, en compagnie d’amis hommes et femmes dont l’une était C…, morte accidentellement il y a plus d’une dizaine d’années, une amie avec laquelle j’étais très lié…

    Nous étions venus en voiture jusqu’à ce bord de mer, et chacun, du groupe, venait de se mettre aux pieds ses grosses chaussures de marche…

    C… Ne s’était pas munie de chaussures de marche, n’ayant aux pieds que des sandales de toile et de corde…

    Visiblement, trois amis de notre groupe, semblaient pressés, sortis de la voiture, de se rendre sur les rochers qu’ils s’apprêtaient à escalader, en “joggant”…

    Un peu moins rapide d’exécution dans mes gestes, que les autres, j’avais eu un peu de mal à nouer les lacets de mes chaussures, et préféré opérer assis que debout…

    C’est alors que C… Dépitée de n’avoir que de légères sandales pour entreprendre cette marche sur les rochers, nous dit qu’elle nous attendrait à proximité de la voiture…

    Je me disais “et si je lui prêtais mes chaussures” ?

    J’hésitais, parce qu’il me fallait à cet effet, perdre du temps – et cela représentait un effort- à me défaire de mes chaussures, alors que les autres “piaffaient d’impatience”, sautillant sur place…

    Finalement je dis à mon amie C… “Je te prête mes chaussures, je prends tes sandales… Mais toi, tu fais du 37 et moi du 43, tu devras “un peu nager” avec ton 37 dans mes godaces ; t’as qu’à compenser avec du sopalin (dont on avait un rouleau dans le coffre de la voiture)…

    Et C… Me répondit “Oui, mais dans mes sandales, mon pauvre, t’auras les talons dans les cailloux !”…

    Bah, répondis-je, tant que ce ne sera pas dans du caca de toutou…

    Déjà, les trois autres étaient partis, “joggant” sur les rochers…

     

     

  • Le petit poucet

    … C’est le petit poucet, mais pas le même que celui du conte de Charles Perrault.

    Il marche sur un chemin et tous les dix pas, il pose à terre un caillou…

    Un caillou gris, blanc, bleuté ; parfois deux cailloux, tous les dix pas.

    Les cailloux que le petit poucet pose par terre au milieu du chemin, en plein milieu bien visibles plutôt que sur le bord du chemin, ne sont pas de la même taille, certains sont des pierres assez grosses…

    Les dix pas sont comme un jour qui passe, un espace de temps, le temps de faire les dix pas…

    Il est un peu magicien, le petit poucet…

    C’est pour cela d’ailleurs, que cette histoire est un conte…

    Dans les contes les vaches peuvent être bleues et les nuages, des oiseaux avec de grandes ailes, et, entre deux doigts d’une main on peut faire apparaître un caillou…

    C’est ce que fait le petit poucet : il invente des cailloux, en les faisant surgir d’entre deux doigts de l’une de ses mains.

    Mais avant de faire les dix pas – tous les dix pas il s’arrête parce qu’il est tellement petit, le petit poucet, qu’il lui faut se reposer – il met les cailloux jaillis d’entre ses doigts, dans sa musette…

    Quelquefois dans les dix pas qu’il fait sur le chemin, le petit poucet, dès les deux premiers pas, au lieu de ne mettre qu’un seul caillou à la fois, ou deux ; il en met trois, quatre même…Parce que sa musette est pleine de cailloux, des gros, des lourds…

    Mais des fois, il lui arrive, au petit poucet, de ne pas faire jaillir entre ses doigts, de cailloux, avant les prochains dix pas… Alors sa musette est allégée, il n’a plus de caillou à poser par terre au milieu du chemin…

    Il y a, venus d’autres chemins, d’un peu partout dans le paysage, des personnages pouvant être des sortes de gnomes, parfois des ogres ou d’autres petits poucets… Qui sont les uns, beaucoup d’entre eux, invisibles pour le petit poucet, mais qui les voient, les cailloux posés ; et d’autres qui eux, ne cessent de tracer sur le chemin, de mêmes marques répétitives à tel point que le petit poucet ne peut jamais faire les dix pas sans voir ces marques …

    Les invisibles qui voient le caillou se font parfois visibles, et même tracent un signe sur le caillou…

    Ou les invisibles qui voient le caillou ne tracent jamais de signe sur le caillou…

     

     

    Un jour, enfin certains jours ou “jours de dix pas”, la musette du petit poucet est tellement pleine de cailloux, et le petit poucet tellement – pas furieux, on peut pas dire ça – perplexe à vrai dire… Que… Il en arrive à se demander s’il va, cette fois là, pour les dix pas suivants, au premier pas… Soit ne mettre aucun caillou par terre au milieu du chemin, et cela trois fois, quatre fois, dix fois dix pas … Ou au contraire en mettre tout un tas, de cailloux, à la fois… Par une sorte de rage qui lui vient, se disant ceci : “eh bien là, tiens, je les assomme, les invisibles, je les balance comme un tas de patates, mes cailloux, je ne sais plus qu’en faire! Qu’ils s’envolent et viennent trouer les nuages, un jour je m’envolerai aussi et je les rejoindrai!”…

     

  • Structures rocheuses et blocs erratiques

    Il m'est arrivé assez souvent dans ma vie, et cela depuis ma plus lointaine enfance, de ressentir, de percevoir le monde comme un désert sans limites ; un désert qui s'étendrait encore au delà de l'horizon. Un désert non pas de sable ou de dunes mais essentiellement constitué de structures rocheuses, de forêts pétrifiées, de ravins, d'entailles profondes dans la terre, de blocs erratiques, de cailloux géants tombés du ciel ; des statues de sel sculptées par le vent évoquant parfois des formes humaines, des mirages, des pierres de toutes tailles, isolées ou rassemblées… Un désert brut, sans féminité, sans humanité non plus, sans regard et sans visage.

    Les structures rocheuses, les forêts pétrifiées, les blocs erratiques, le labyrinthe de crevasses ; tout cela ce sont les Systèmes, imbriqués les uns dans les autres, participant au mouvement général du monde et dans lesquels les gens se débattent dans des situations inextricables, finissant par ne plus exister, ne plus rien représenter. Les statues de sel, les pierres, les cailloux, ce sont les gens parfois, tels qu'ils nous apparaissent dans le " Sens du Monde " au contact de la réalité brute. Toutes les pierres ont besoin d'être chauffées par le soleil et en même temps elles ont soif.

    En fait le désert n'est peut-être pas dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, tel qu'il fut hier, ni tel qu'il sera demain. Peut-être que le désert, le vrai, l'absolu, c'est... Ce sont les gens que l’on n'a pas rencontrés. Le gouffre insondable, le " Trou Noir " de tous les visages jamais aperçus, de toutes les paroles jamais entendues, de tous ces regards qu'on n'a jamais vus, de tous ces êtres que la vie que nous avons vécue n'a pas mis sur notre chemin un seul instant, un seul jour... Des êtres que nous avons peut-être attendus, espérés, aimés sans les avoir vus. C'est cela, oui, je crois, le vrai désert.