corneille
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Dans un grand champ de blé (Errances littératoques)
- Par guy sembic
- Le 03/06/2019
- Dans Chroniques et Marmelades diverses
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... Dans un grand champ de blé tournoyaient des corneilles battant des ailes entre les épis qui n'avaient pas mûri et tout au dessus un grand ciel bleu verdissait peu à peu...
Dans les conduites des baignoires, des éviers et des douches un peu partout dans les maisons on entendait à intervalles réguliers, des clapotis s'apparentant à des caquètements, et même quand on versait de l'eau dans le trou par grands verres à toute vitesse, le clapotis ne cessait pas...
Soyez raisonnables, il y a des gens qui dorment sur des lits défaits et de petites fleurs aux pétales déchirées sur lesquelles sont juchés des scarabées à peine plus gros que des pucerons et des fourmis à huit pattes sur les tiges des fleurettes... Alors n'imaginez pas que des anchois filiformes s'enroulent autour d'un tourne-vis, ou que des mouches électronent autour de l'extrémité fourchue d'un pied de biche enduite de jus de viande...
D'autres gens disent qu'ils ont aperçu dans le ciel bleu-verdi, un grand oiseau de fer dont le ventre luminait si fort, qu'il éclairait jusque dans les galeries des taupes...
L'habituel spectacle des clowns tristes et des ballets de lupins roses et bleus, de la caracole frénétique des chiens de prairie dans un champ d'amérique, des télés cassées d'où sortaient des écrans les visages caramélisés des présentateurs et des chroniqueurs ; s'appesantissait et figeait les gens prostrés et crispés tels des personnages de cire dans un musée de marionnettes difformes ... Et les gens applaudissaient sourdement en traînant les pieds, casquette de travers sur la tête, ou lunettes de soleil alors qu'il n'y avait pas de soleil, entre le front et l'occiput, notamment les jeunes femmes en robe ou jupe bigarrée, et quelques vieux seniors au crâne dégarni...
D'autres gens encore, ne comprenaient rien à ce spectacle qui avait vu se succéder après le ballet des lupins, un interminable Karaoké et un numéro où l'on voyait un fakir en lévitation sur un tapis en carton...
Les ascenseurs dans les tours de trente étages de la City s'étaient tous arrêtés entre le 16ème et le 17ème étage, et dans les cages immobilisées se tenaient raides et compassés, des chefs de cabinets, des femmes de ménage et des pygmées venus de leur forêt africaine, en situation régulière sur le sol français, mais qui n'avaient pas de papiers sur eux, juste une musette décousue ou un sac en rafia et un harmonica ou une flûte à la main...
Les corneilles qui tournoyaient dans le champ de blé en cette ère du jour aussi intemporelle que d'une musique ne pouvant être écrite, s'envolèrent au loin et le ciel bleu-verdi les confondit dans une transparence agitée, avec des colombes aux ailes froissées, mêlées à des rouleaux d'écume grise en suspension.
Et de toutes petites araignées translucides déambulant dans la poussière au pied des tiges de blé, poursuivaient de minuscules cloportes aux carapaces annelées d'une indéfinissable consistance d'eau grasse de vaisselle...
Les gens qui avaient cru voir dans le ciel bleu-verdi, un grand oiseau de fer, se mirent à tousser bruyamment.
Soyez raisonnables, au lieu de tousser, arrachez de l'intérieur de vos narines, vos petites crottes de nez mêlées de poils et roulez les en boule entre vos doigts avant de les jeter dans le trou de la baignoire ; ainsi les animalcules clapocaquetant dans le conduit se repaîtront-ils de ces crottes triturées.. Mais partiront ils pour autant, rejoignant ces profondeurs d'où ils viennent ?
Dans les ascenseurs arrêtés, les chefs de cabinets scrutaient ostensiblement d'un regard figé, les consignes de sécurité ; les femmes de ménage se tortillaient le derrière car montait des sous sols tout un tambourinement rythmé, les pygmées sans papiers sur eux bavaient sur leur harmonica ou sur leur flûte...
Soyez raisonnables ne mettez pas systématiquement les colombes devant les corneilles, ni de l'immédiat tagué dans le tiroir sans fond visible où vous rangez pêle mêle pièces de monnaie, photos et toutes les bintzeries de vos vies qui sarabandent ...
Amen, ramen et ratata, salut la compagnie...