le réel

  • Le bruit des trousseaux, film de Philippe Claudel

    … Le cinéma (les films), la Littérature (les romans)… Même au plus proche de la réalité… Par la représentation que donnent les réalisateurs de film et les romanciers, des situations, de la vie des gens au quotidien, des drames, des événements, de tout ce qui se passe dans tel ou tel environnement… Le cinéma et la littérature donc, invitent à défaire une image que l’on se fait, ancrée en nous – ou un préjugé – pour lui substituer à cette image, une autre image qui, elle, si proche qu’elle soit de la réalité, ne reflète pas exactement le réel pour ce qu’il est, mais le réel “sous un angle de vue”…

    Et, en même temps que l’image substituée, donnée par le réalisateur ou par le romancier, à l’image que d’ordinaire l’on se fait ; vient une réflexion, mais une réflexion cependant, qui ne s’installe pas forcément dans notre esprit de manière durable, parce que la réflexion est empreinte d’émotion, d’impact sur notre sensibilité…

    Il est difficile de rendre la réflexion indépendante de l’émotion et de la sensibilité, il est difficile de rendre le réel – et l’image donnée du réel – indépendants de l’”angle de vue”…

     

    … C’est là ce que j’ai “perçu” – comme j’ai essayé de l’exprimer ci dessus – en voyant hier soir, lundi 8 novembre sur France 2 à 21h 10, le film de Philippe Claudel “Le bruit des trousseaux”…

    … J’essaye d’imaginer – c’est tout de même “un peu difficile” – un prof dans le genre de celui du film, donnant des cours de français (rédaction, écriture, grammaire, connaissance d’auteurs, lecture de textes, etc.)… Dans une classe de collège avec une trentaine de jeunes de 14, 15 ans, presque tous quasiment illettrés, dealers, d’une brutalité et d’une violence extrême, haineux de la France et de ses valeurs, ne suscitant aucune empathie… Ou encore en face de quelques jeunes délinquants tout aussi violents, brutaux, illettrés, haineux, incarcérés et choisis – on ne sait comment et sur quels critères – pour suivre des cours de français (je précise : de jeunes délinquants n’ayant rien à voir avec les élèves du prof du film dans la prison de Nancy, des adultes et des jeunes)…

    Essayer de “mettre en parallèle” ce que l’on voit dans le film et ce que l’on voit dans la réalité, me semble “une gageure”…

    Certes, dans le film, il y a “du sens” – et, on va dire, “de la portée”, de la réflexion suscitée quoiqu’empreinte d’émotion en rapport avec ce que l’on peut ressentir de la personnalité de ces gens incarcérés, des situations en lesquelles ces gens se trouvent…

    Mais dans le réel, le réel tel qu’il est… Où est-elle la “personnalité” de ces jeunes en rupture totale ne suscitant absolument aucune empathie, où est la personnalité de ces détenus irrécupérables, dangereux et d’une cruauté, d’une barbarie inimaginable ; tels qu’ils existent vraiment ?

    De quelle “personnalité” peut-on parler ? De quelle… “humanité” ?

    Le réel dans ce qu’il a de plus insoutenable, de plus abject, n’est-il pas comme un “trou noir” dans l’univers, un “trou noir” duquel rien ne peut s’échapper, et dans la “dynamique” de ce “trou noir”, est-il possible de concevoir qu’une “énergie comparable à celle de la lumière” puisse se développer ?

    Pourtant ce que l’on voit dans le film – et c’est sans doute là ce qu’il y faut voir (mais qui n’est alors plus comme un “trou noir”) – peut arriver à “traduire” ce dont on peut être témoin dans le réel… Et en ce sens, oui, le cinéma et la littérature ont un rôle à jouer… Essentiel, nécessaire…