liberté d'expression
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La liberté d'expression
- Par guy sembic
- Le 08/01/2015
- Dans Chroniques et Marmelades diverses
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Déjà, lors de la disparition d'humoristes, d'artistes, chacun à leur manière des personnages "qui ont marqué leur époque", dont la trace demeure indélébile, intemporelle, que je savais tout aussi mortels que le commun des mortels mais dont je n'imaginais pas un seul instant qu'ils puissent cesser d'être tant ils emplissaient de leur présence mon quotidien, le quotidien à vrai dire de millions de gens... Dès le lendemain de leur disparition, et encore bien des années plus tard, je me disais à chaque fois "le monde ne sera plus comme avant" et je sentais un grand vide, comme dans un paysage qui, bien qu'aride et difficile à traverser, mais avec des oasis, venait de voir disparaître ses oasis dans un séisme...
Je pense -entre autres- à Jacques Brel, à Georges Brassens, à Coluche, à Serge Gainsbourg, à Jean Ferrat...
Au lendemain du mercredi 7 janvier 2015, c'est encore un autre séisme qui vient de briser le paysage, le paysage dessiné par les artistes du journal Charlie Hebdo... Et de nouveau "le monde n'est plus comme avant, il y a ce vide, ce vide immense, ce désespoir et ces douloureux points d'interrogation...
Mais je me dis aussi, en même temps "il faut que le monde puisse devenir ce qu'il n'a encore jamais été mais seulement rêvé, même si ce monde ne serait pas forcément meilleur, vraiment meilleur, que celui dans lequel on vit, que l'on doit continuer à vivre sans Charb, sans Cabu, sans Bernard Maris, sans Tignous, sans Honoré, sans George Wolinski...
... La liberté d'expression devient plus que jamais, depuis le mercredi 7 janvier 2015, non seulement une obligation morale et de principe républicain mais aussi et surtout, s'impose encore davantage en tant que valeur naturelle et universelle dans la relation humaine...
La littérature, le dessin et toute forme de réalisation artistique, permettent de tout exprimer, y compris ce qui dérange ou ce qui déconcerte...
Sans la littérature, sans la poésie, sans le dessin, en l'absence de toute forme d'art, il reste cependant la parole qui ne se fait pas écriture et encore moins poésie, il reste l'écrit en le seul état de parole de tous les jours, ce qui est tout de même un moyen d'expression...
Sans la liberté d'expression l'on se sent réduit au silence par la peur...
Sans la liberté d'expression il n'y a plus de littérature ni d'art...
Sans la liberté d'expression il n'y a même plus de parole ni d'écrit ordinaire voire vulgaire ni quoi que ce soit que l'on puisse exprimer, il ne reste que la soumission à ce qui s'impose par la force et par la violence...
De toute manière, dans l'absence de la liberté d'expression, vient la nécessité de la liberté d'expression, la liberté d'expression qui parvient contre tout ce qui l'empêche, à se frayer un passage...
... Lorsqu'en mai 2002 je rédigeai Grand Hôtel du Merdier, ce livre que je devais publier en 2007, et qui, en 2002 n'était encore qu'une ébauche ; je déplorais le fait que le journal Charlie Hebdo n'ait point réagi à un courrier que j'avais adressé à son rédacteur en chef de l'époque, vraisemblablement en 2001... Dans ce courrier je présentais quelques uns de mes dessins, car j'avais pensé que, chez Charlie Hebdo, ces dessins auraient pu être appréciés...
Je rédigeai donc un passage, dans Grand Hôtel du Merdier, dans lequel j'exprimais à ma manière, ma déception de ne pas avoir eu de réponse...
Je n'imaginais pas, à l'époque, bien sûr, ce qui allait arriver à Charlie Hebdo le mercredi 7 janvier 2015...
Lorsqu'un livre est écrit -et publié- "il l'est bel et bien"... Tel qu'il fut rédigé, et publié...
Un livre ce n'est pas comme un nuage qui, d'une heure à l'autre, d'un moment à l'autre, change de forme tout en demeurant le nuage qu'il est dans son type de nuage (un stratus, un cumulus...)
Il est certain que, si je devais publier mon livre, le même livre, en 2015, ce passage dans lequel j'exprimais à ma manière ma déception, ne figurerait pas.
Ainsi la liberté que je pris à m'exprimer, avec les mots que je dis, le ton de ces mots -et éventuellement leur portée- est-elle, demeure-t-elle ma liberté du moment...
Il devrait y avoir à mon sens "quelque chose d'intemporel" dans la manière dont on s'exprime. Et c'est bien là le sens que j'attache, que je m'efforce désormais d'attacher, à la liberté d'expression...
L'on peut, cependant "avoir et prendre sa liberté du moment" (du moment vécu en tant que témoin, observateur critique ou acteur)... Mais essayer de suggérer dans la formulation même ou dans une autre formulation quelques pages plus loin, que la liberté que l'on prend à s'exprimer "de cette manière là" peut être ré-exprimée différemment... Parce que, de toute évidence, rien n'est à jamais figé.
Si tout ce que nous croyons, si ce qui procède de la culture, de l'art, de la connaissance, de la relation, de ce que l'on ressent, de ce que l'on exprime ; devait demeuré figé, figé comme la surface d'une mer gelée qu'un coup de hache ne pourrait briser... Alors, il n'y aurait plus de culture, plus de connaissance, plus de relation, plus de ressenti, plus d'émotion, plus d'expression, plus de vie possible même... Il y aurait seulement cette surface plane, infinie, désespérante, sans passé, sans avenir, entièrement gelée à perte de vue, et d'une intemporalité celle là, inacceptable, à l'opposé de l'intemporalité du coup de hache sur la mer gelée, ou du regard qui voit par delà l'horizon qui cerne la mer gelée...
... Il est de ces idéologies, de ces idéologies "totalitaires", qui sont comme des mers à jamais gelées, d'une infinie et désespérante étendue...
Et dans ces idéologies là, il n'y a plus de culture autre que celle de la présence d'un énorme totem prenant la place du ciel tout entier...
Par exemple, du temps du III ème Reich et du nazisme, les hauts dignitaires du Reich se ralliaient à la conception du monde et de l'univers, élaborée par Hans Hörbiger (théorie de la glace éternelle, selon laquelle la Voie Lactée serait composée de blocs de glace). Cette théorie rejoignait ce que pensaient alors les hauts dignitaires du nazisme au sujet de l'astronomie moderne jugée décadente et abstraite, ainsi d'ailleurs que de la culture et que de la littérature de l'époque jugées tout aussi décadentes et perverses... Et combattues, détruites lors d'autodafés où l'on brûlait des milliers de livres sur les places publiques...
... Toutes les idéologies totalitaires et donc porteuses et diffuseuses d'un "ordre du monde" censé être le seul et unique pour l'ensemble des peuples du monde... Sont négationnistes et destructrices de toute existence et expression de culture et d'art, différentes de ce que le seul "ordre du monde et de vérité" impose par la force, par le meurtre des intellectuels, des poètes, des artistes toujours jugés décadents et impies...
Les conquistadores et colonisateurs Portugais, Espagnols, Anglais, Hollandais, Français, Allemands du 15 ème au 20 ème siècle ont tous, d'une manière ou d'une autre, nié les cultures des peuples avec lesquels ils sont entrés en contact, et ont imposé leur religion, leur mode de vie, leurs lois, partout sur la planète, et cela même sous couvert des "bienfaits" que leur ordre "de civilisation" apportait à ces peuples...
Dans les nouvelles idéologies totalitaires d'aujourd'hui, depuis la fin du 20 ème siècle, les "bienfaits" deviennent en fait, inexistants, et ce qui remplace les "bienfaits", c'est la condition de soumission absolue d'un peuple sinon de tous les peuples du monde si possible, à l'idéologie dominante ou combattante par la violence pour dominer. Les vecteurs de ce combat étant la haine entretenue et attisée entre les hommes, les partis, les clans, les ethnies, les "communautarismes", dont la résultante principale est l'adhésion du plus grand nombre possible à l'idéologie en ordre de marche laminant tout sur son passage autour de l'énorme totem prenant la place du ciel tout entier.
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Dassault blanchi, Dieudonné interdit
- Par guy sembic
- Le 10/01/2014
- Dans Articles
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Dassault blanchi, Dieudonné interdit...
Cela m'inquiète au plus haut point pour l'avenir dans les années qui viennent et jusqu'à quand et jusqu'où ?
L'avenir dans le climat social (qui n'évolue pas vers la paix sociale), pour la liberté d'expression, pour la démocratie (qui déjà n'existe pas vraiment et qui "en prend de plus en plus dans la gamelle")...
D'un côté ce que l'on combat ou prétend combattre "haut et fort" avec force lois, force décisions judiciaires, administratives et le tout médiatisé et faisant l'objet de commémorations, de cérémonies, de discours officiels, de dispositions prises par des autorités gouvernementales et autres... Et d'un autre côté, ce qui, tout ce qui, précisément combattu, ne cesse d'occuper l'espace public, de radicaliser des sensibilités et en définitive finit malheureusement par s'imposer dans l'esprit d'un grand nombre de gens, et par "promouvoir" par contre coup, ces "fauteurs" que sont ceux qui "contreviennent" jusqu'à les élever au statut de martyr, de victime, de héros ! L'on en arrive à l'effet contraire, c'est à dire que ce qui est combattu et que l'on étouffe, se met à prospérer de plus belle, à se manifester au grand jour, à défier toute autorité, et même à séduire, à attirer encore plus de gens...
... Dassault blanchi, c'est penser, laisser penser que, pour peu ou beaucoup que l'on contribue à "développer l'économie" on a le droit de faire ce qu'on veut dans l'impunité totale, sans être le moins du monde inquiété par le fisc, par la justice... Autrement dit si tu es puissant et "incontournable" tu as tous les droits ! (Evidemment, Dassault comme chacun sait, ce sont d'immenses empires économiques industriels et financiers qui emploient des dizaines de milliers de gens en France et dans le monde, et qui contribuent pour un pourcentage non négligeable à faire tourner la boutique France)... Alors, vu les enjeux, on ferme les yeux et tant pis pour certaines choses pas très claires voire scandaleuses, on ne "poursuit pas", on "blanchit"... Et cela dans une solidarité de classe politique, au sénat et à l'assemblée nationale, droite et gauche confondus, sans le moindre "état d'âme" !
... Dieudonné interdit, c'est donner à penser, à forcer de penser (un peu comme autrefois le maître d'école tapait sur les doigts du mauvais élève avec une règle en fer) que, parce qu'il est proscrit par la loi de tenir des propos antisémites, ou racistes, ou homophobes (ce sont là les questions les plus sensibles de toute évidence) on peut alors interdire, jusqu'à interdire à vrai dire, un spectacle n'ayant pas encore commencé, et qui a été prévu tel jour, organisé ! Interdire en invoquant, en l'occurrence pour le spectacle de Dieudonné, des propos de nature antisémite répétés et pour lesquels il y avait déjà eu des condamnations, des poursuites judiciaires...
Autrement dit nous sommes en présence d'une autorité d'état qui se sert d'un fait avéré sur lequel on peut effectivement s'appuyer, pour "créer un précédent" (lequel "précédent" sera de toute évidence dans l'avenir, comme une "porte ouverte" à toutes sortes de dérives, d'abus, de justifications possibles, et donc, adieu à plus ou moins long terme la liberté d'expression !
C'est cela qui m'inquiète, à vrai dire me fait peur, terriblement peur... (En ce sens, je suis sûr que tous les artistes, tous les écrivains, tous les créateurs, partagent mon inquiétude et ma peur)...
Je suis persuadé que si Dieudonné, au lieu de s'en prendre aux Juifs et à Israël dans une optique pro palestienne, s'en prenait aux arabo-musulmans dans une optique celle là, pro sioniste (dans un renversement d'opinion) alors les gouvernants actuels agiraient de même...
En revanche, si Dieudonné s'en prenait aux athées, aux vrais laïcs, aux catholiques et aux protestants, là, le gouvernement actuel fermerait les yeux ( il est vrai que les athées, les laïcs, les catholiques et les protestants ne sont pas, ne sont jamais, un "sujet aussi sensible" ou considéré sensible, que l'homophobie, l'antisémitisme et le racisme)...
Je déplore que, à travers puis ensuite au delà de cette "affaire là", l'on fasse d'un Dieudonné (ou d'un autre personnage controversé) un "martyr", un héros, une victime (qui passera à la postérité et dans le "panthéon des Grands", alors même que ce serait immérité et abusif - mais là, les juges seront les générations de demain dans un ou deux ou trois siècles)...
... La seule "satisfaction" -si je peux dire- (et là quand je dis "satisfaction" il s'agit là d'une réaction "purement épidermique") que j'ai eue en apprenant hier soir à 18h 45, la décision du Conseil d'Etat, c'est en pensant à tous ces gens agglutinés depuis des heures devant les grilles du Zénith, qui "en sont pour leurs frais", ont dû poireauter inutilement (j'eus souhaité une pluie diluvienne, un froid féroce...)... "bien fait pour eux, à tous ces gens!" (en principe quand on va voir un spectacle d'un tel, c'est qu'on aime, qu'on adule, ce un tel )...
... Cela dit, tout cela dit, je me dois encore de préciser ceci :
-L'humoriste Dieudonné, avant que l'on ne parle de lui comme on en parle depuis quinze jours, avant qu'il ne fasse la Une des médias, je ne le connaissais pas, déjà pour une bonne raison, c'est que je suis nul, archi nul en actualité people, et qu'à ce titre, je ne me suis jamais soucié de l'existence de ce personnage, que jamais ou très rarement je regarde à la télé une émission de divertissement variétés show... Je ne savais même pas à quoi il ressemblait (il a fallu que j'aille voir sa photo sur internet en recherche, wikipédia et autre)...
-Je ne me sens guère qualifié (et encore moins autorisé) pour mettre en cause son talent, sa facture en tant qu'artiste s'il y a ou non, puisque je n'ai jamais assisté à aucune de ses représentations, puisque je n'ai aucune connaissance en vérité de tout ce qu'il produit sur la scène... À ce sujet, je pense que ce sont les générations futures, dans l'avenir, qui pourront peut-être juger, apprécier si oui ou non il doit être considéré comme un grand artiste ou au contraire un personnage de "seconde zone", et qui pourront donc lui donner la place qui devra être la sienne, ni plus ni moins, une grande importance ou non...
-Ces gens dont je dis que "c'est bien fait pour eux" d'avoir dû poireauter des heures devant les grilles du Zénith (et c'est là ce que je ressens, je le souligne, "épidermiquement parlant") eh bien ces gens là, oui, je ne sais pas qui ils sont, et si le hasard faisait qu'un jour j'en rencontre, de ces gens, sans que je sache s'ils se trouvaient ce jour là devant les grilles du Zénith... S'il y a quelque chose dans leur regard, dans la réalité intime et profonde de leur être, dans leur comportement, dans leur visage, qui m'interpelle, m'émeut ou m'intéresse (et ferait que j'aurais envie de les connaître ou d'avoir avec eux un contact, une relation)... eh bien, je ne me demanderais pas si oui ou non, ils peuvent être des admirateurs de Dieudonné... Car au delà de tout ce qu'on peut ressentir, même très fortement, au delà de tout ce qu'on peut juger, critiquer, au delà de toute colère, de toute violence spontanément surgie... Il y a ce qui apparaît au delà du visible dans une dimension qui n'est plus celle dans laquelle nous pensons, nous agissons, nous sentons, nous percevons, nous nous comportons, nous regardons habituellement...
Nous sommes en effet, quasiment en permanence dans notre vie, soumis naturellement à une force de gravitation, d'attraction, de laquelle on ne peut se soustraire ou se délivrer, et qui nous fait voir, sentir, penser, agir, nous comporter, rivés au "plancher des vaches"... Ou à la limite pourrais-je dire, sur le "plancher de la nacelle d'une montgolfière, à peine plus haut que le toit d'une maison, que la cime d'un arbre au dessous de nous...