mépris

  • Le mépris de l'autre est toujours contre-productif

    … Celui ou celle qui, dans un mépris affiché et délibéré, de l’Autre ; accuse, conspue, dénonce, discrédite, foule aux pieds, et exerce toute sa violence, toute son agressivité dans la suffisance, dans l’orgueil, dans la certitude de ses savoirs et de ses acquis culturels, dans ses argumentations, dans ce qu’il montre, dans ce qu’il stigmatise des obscurantismes et des ignorances de l’Autre… Est en général plus écouté, plus suivi, plus cru, autour de lui ; que celui ou celle qui, au contraire, dans la réflexion et dans la clairvoyance, s’attache à comprendre le pourquoi et le comment des comportements de l’Autre, de ce qu’est l’Autre dans l’environnement qui est le sien…

    Et à « tant enfoncer le clou à coups incessants de marteau » il fend la planche, fait éclater la planche et la planche, cassée, fragmentée, réduite en copeaux, c’est une planche en moins pour la construction de la cabane…

     

    « J’étais d’une famille qui ne parlait pas le Français, qui ne lisait pas, et le seul endroit où j’avais une île à moi tout seul, une île de milliardaire, c’était la langue Française »

     

     

    [Kamel Daoud, écrivain, lauréat du Prix Goncourt 2024]

     

    … Dans ces familles où l’on parle mal le Français, où l’on ne lit pas, « encore heureux » -il faut le dire- que l’un ou l’autre des enfants de ces familles, ne soit pas empêché d’avoir « cette île à lui » qui est celle des livres, de ce que produit d’œuvres, la langue Française…

    Ignorer, méconnaître, en tant que parent, n’implique pas forcément d’empêcher son fils ou sa fille, d’apprendre, de savoir…

     

     

    … S’il est vrai que dans de nombreuses familles vivant en France, l’on parle et l’on écrit si mal le Français, et si dans bien de logements et de maisons en ville et dans les campagnes, l’on ne voit guère de livres sur des étagères et donc pas de meuble bibliothèque…

    S’il y a tant de banalités, tant de propos réducteurs qui foisonnent sur les réseaux sociaux, s’il y a autant de nos jours alors que tout le monde va à l’école, d’obscurantismes, d’ignorance, de préjugés ou d’idées reçues, et d’inculture… Oui l’on peut dénoncer, déplorer tout cela et le dire… Mais afficher son mépris à l’égard de l’Autre, non…

    « Prendre par la main » et essayer de transmettre, de trouver les mots qui touchent, oui c’est risqué parce que c’est se heurter à de la violence en réponse, ou que cela se révèle sans effet parce que se heurtant à de l’indifférence »…

    Mais écraser de son mépris et de sa suffisance de privilégié et de chanceux parce que vivant dans un milieu favorisé ou faisant partie de l’élite, cela élargit la fracture sociale, cela rend encore plus agressifs les piétinés et les conspués, cela fait de ces Ordres – ou de ces désordres – qui se bousculent, qui parfois l’emportent et s’imposent…

     

    Si le mépris de l’Autre est toujours contre-productif, et si le pardon ou la mansuétude ou encore le fait de tendre la main est assez souvent contre-productif… Il faut bien cependant à un certain moment selon la situation qui se présente, se résoudre à prendre le risque de tendre la main – tout en se protégeant de l’inacceptable, de ce qui met notre vie en péril…

    Faire coexister bonté et dureté n’a jamais été facile…

     

     

  • Éboueurs et Éclaireurs

    Sur la purulente montagne de tous les déchets ménagers et industriels, dont les perfides nectars heurtent mes narines, à regarder trop longtemps, de l’une des branches maîtresses d’un arbre nu, le seul arbre sur la pente abrupte du versant situé en face de moi, ce triste gardien de l’Ordre du monde suspendre la corde qui peut-être me rompra le cou, nul sourire ne me vient aux lèvres…

     

    Mais d’attendre depuis tant d’années, non pas que me berce mais m’illumine cet étrange songe que je n’ai pas encore fait, seulement « entr’imaginé »… C’est, dis-je, craindre que ne vînt jamais à passer devant mes yeux pourtant devenus voyants, enfin… Le vrai visage du monde…

     

    Le vrai visage du monde n’est pas celui des éboueurs de métier ni des jeteurs d’ordures, n’est pas non plus celui des Éclaireurs des Petites et Grandes Compagnies…

     

    Je n’attendrai donc pas, j’ouvrirai plus grand, tout de suite, mes yeux pourtant devenus voyants…

     

     

    La corde suspendue à la branche de l’arbre par le gardien de l’Ordre – en fait par LES gardiens de l’Ordre, ces gardiens de la « citadelle du monde » qui sont les acteurs de la vie publique, les chantres de la Parole devant être entendue et écoutée, les pourvoyeurs de la « manne » devant être servie à tous, les officiants des « messes » appelant les fidèles à l’obéissance… C’est celle de ce silence crasse en réponse à une liberté d’expression se démarquant des autres libertés prises qui, quasiment toutes, font l’objet d’admirations ou de disputes sans aucune limite et dans l’irresponsabilité de chacun… Ce silence crasse qui, par le mépris et l’indifférence qui le caractérise, rompt le cou de ceux et de celles qui, dans leur liberté d’exprimer, se démarquent, s’écartent de la route à suivre…

    Merde au silence crasse, au mépris, à l’indifférence…

    Merde aux admirations mille fois likées, aux disputes qui n’en finissent plus d’ennemouriser d’isoler de crisper de séparer …

    Merde aux gardiens de l’Ordre qui font la sourde oreille à qui les interpelle sur des questions souvent éludées mais laissent les éboueurs de métier et les jeteurs d’ordure entretenir la montagne des immondices !