Houellebecq non autorisé, par Denis Demonpion

Houellebecq non autorise

Houellebecq non autorisé, enquête sur un phénomène

Par Denis Demonpion


 

4ème de couverture

On l'a traité de tous les noms : fasciste, raciste, eugéniste, antiféministe, réactionnaire, pervers...

Mais au fond, qui est-il ?

Intrigué par le personnage emblématique de Michel Houellebecq, devenu avec les Particules élémentaires, l'auteur culte de la fin du deuxième millénaire, Denis Demonpion, journaliste au magazine Le Point, a mené l'enquête.

À partir de documents et d'une centaine de témoignages inédits, il retrace le « corpus » que Houellebecq s'est évertué à dissimuler pour mieux fabriquer son personnage, cultivant un brouillard sulfureux qui en fait aujourd'hui le symbole de la littérature postmoderne.

Né le 26 février 1956 à Saint Pierre de la Réunion, Michel Houellebecq fait vraiment son apparition sur la scène littéraire en 1988, alors âgé de 32 ans, découvert par Michel Bulteau, le directeur de la Nouvelle Revue de Paris.

Poète, Michel Bulteau dirige aux éditions du Rocher, une collection réservée à des écrivains atypiques.

À l'époque, en 1988, Michel Houellebecq s'appelle encore de son nom d'état civil, Michel Thomas. Rendez-vous est pris, au siège de la librairie Plon, rue Garancière à Paris dans le 6ème, avec Michel Bulteau... Michel Thomas se présente négligé, mal à l'aise, avec quelque chose de gluant et de moite dans l'apparence, il fait une impression assez repoussante à l'accueil, on l'introduit auprès de Michel Bulteau, qui dit « il s'est présenté comme un marginal. Il parlait très peu. Il avait l'air de sortir de nulle part, d'un univers fracturé, indéfinissable. C'est ce qui m'a plu. Je recevais tout le monde, tous les marginaux de la terre. Je ne lui ai pas demandé son âge, ni s'il avait un emploi. Il m'a parlé musique, de qui au juste, je ne sais plus. Le fait qu'il ne connaissait pas grand chose en littérature m'a frappé. Il avait peu lu. Ses poèmes m'ont laissé sceptique. Je lui ai demandé un temps de réflexion. Avant de prendre congé, il insiste pour que, au cas où ses textes seraient publiés, ce soit sous le nom de Michel Houellebecq, le nom de sa grand mère, la seule personne qui soit un peu digne dans sa famille m'a-t-il dit. Et il s'en va, traînant derrière lui un ennui languide. »

Jusqu'en 1988, son « parcours de vie » est assez chaotique...

Lycéen à Meaux, il obtient son bac sans mention, suit les classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Chaptal à Paris, puis en 1975 il entre à l'institut national agronomique Paris Grignon, dont il sort en 1978, avec le diplôme d'ingénieur agronome.

Lorsqu'en été 1978 il arrive sur le marché de l'emploi, en dépit de son diplôme d'ingénieur agronome, de deux années de prépa et de trois autres années à l'INA, l'expérience lui faisant défaut comme en atteste dans son dossier la grille réservée aux fonctions préalablement occupées, personne n'attend et ne prend à l'essai Michel Thomas, illustre inconnu. Il se retrouve au chômage...

En juin 1979, il est reçu à l'école de cinéma Vaugirard Louis Lumière pour un cursus de deux ans. Il en sort en 1981.

En 1983 il débute une carrière en informatique chez Unilog, puis est contractuel à la direction informatique du ministère de l'agriculture où il reste trois ans...

Enfin il postule pour un emploi à l'assemblée nationale, réussit en 1990 le concours externe d'adjoint administratif au service informatique ; un revenu régulier lui étant désormais assuré.

Dans « les années d'apprentissage » voici ce que l'on peut lire :

« Dans son studio de la rue Malar, il n'y a ni bibliothèque, ni rayonnages. Malgré son inaptitude pour le bricolage, Michel souhaite installer des étagères. Il achète une perçeuse ultra sophistiquée qu'il refourgue, sans avoir réussi à l'utiliser, à son camarade de promo Pierre Lamalattie...

A 19 ans, peu d'illusions sur le genre humain et pas de besoins. Il peut vivre avec 500 francs par mois. Habitué à une nourriture spartiate, il ne fait jamais la cuisine. Son ordinaire se compose principalement de pain sec, de tartines de moutarde, de boîtes de conserve et d'un verre ou deux de whisky... »

… Et dans « la métamorphose » à la page 144, sa mère qui lui rappelle que, quand il était rue Malar, il avait voulu faire du ciment et que l'ayant jeté aux chiottes, il les avait bouchées. Ça avait déclenché les pompiers, l'échelle, la compagnie d'assurances. « Eh bien, tu vois, Michel, tu prends le type le plus con du monde, tu lui montres comment faire du ciment, une connerie comme celle-là, il ne la fait pas. Donc le con, c'est toi. »

...Et cet autre passage, dans « la métamorphose », au sujet de la revue « Perpendiculaire » qui tient salon le 18 du mois, au premier étage du café Les Marronniers » au 18 rue des Archives ; un « lieu branché » où se réunissent des intellectuels et des artistes de la « gauche bobo » du temps de Lionel Jospin, fin des années 90 :

« Dans une ambiance chauffée de conservatoire, les intervenants, tels de jeunes pousses postulant à l'accessit, lisent ou déclament.../... Jouannais, Duchatelet et les autres s'élancent dans un jerk dorsal collectif, une danse mise au point au lycée. On discute, on babille, on s'esclaffe, devant un verre de tequila ou de pouilly-fuissé.../... Un public d'amateurs, élargi bientôt à des personnalités de l'édition -auteurs, directeurs de collection- et des médias, se presse autour de tables de huit ou neuf. Untel, coiffé d'une casquette bombée, s'est fait une tête de gavroche, tel autre, la barbe de trois jours,la chemise ouverte, s'offre des allures de poète maudit. Un jeune homme efflanqué cache son regard derrière des lunettes noires. On croise de nouveaux visages. Les filles sont jolies, désirables, les épaules nues. »

Selon Claude Tarrène, directeur commercial des éditions Le Dilettante, très assidu aux rendez-vous des Perpendiculaires, Michel Houellebecq n'y est venu que cinq fois... Assis à la table de Sorin, son éditeur, il se montrait discret, mutique, évasif...

Mon avis :

Ce livre nous parle d'un homme, d'un homme à « prendre tel qu'il est » … Comme écrivait Shakespeare : He was a man, take him for all in all.

Ce livre intéresse autant les « anti » que les « pro » Houellebecq...

Pour ma part, je dirais que, du temps de Coluche avant 1986, le monde était ce qu'il était mais il y avait Coluche...

Du temps de Michel Houellebecq, le monde est toujours ce qu'il est-en pire par certains côtés on va dire- mais il y a Michel Houellebecq...

… Mais je préférais la version « Coluchéenne » du monde... Tout en me disant qu'il y a Michel Houellebecq, cet écrivain qui surprend, dans un paysage littéraire d'aujourd'hui qui fige plus qu'il n'active les regards...

L'humour autant dans le propos que dans l'agissement, c'est « moins aléatoire » que la littérature, même si dans la littérature il y a de l'humour...


 

Michel Houellebecq

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