La vie aigre, de Luciano Bianciardi
- Par guy sembic
- Le 11/05/2021 à 09:12
- Dans Livres et littérature
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… Livre paru en avril 1964, chez René Juillard, éditeur à Paris. Mais précédemment publié en Italie en 1962.
Roman traduit de l’Italien par Jacqueline Brunet, préfacé par Roland Beyer, pour l’édition française de 1964 chez René Juillard.
Selon Roland Beyer, le ton de ce livre est celui d’un “lyrisme sarcastique” où l’auteur semble à priori s’abandonner au rêve d’un anarchisme primitif mais néanmoins bien identifié comme étant un rêve, une aspiration…
Il y a donc là un réalisme, à mon sens.
Ce roman est nettement autobiographique et s’inscrit dans une trilogie de la colère (précédé par “Il lavoro culturale” – 1957 et “Integrazione” – 1960 ), une révolte contre l’establishment culturel du miracle économique italien…
Écrit dans ce qui ressemble à un journal de vie quotidienne, ce livre fait aussi état, en une description documentée, des conditions de travail des ouvriers toscans dans les années 1960, dans une Italie encore sous influence mussolilienne d’une part, et d’intellectuels d’une gauche stérile, d’un néolibéralisme de tendance artistique surdimensionnée, d’autre part…
Ce roman mérite bien son titre “La vie aigre”…
En effet, la vie que mène, que subit le personnage principal, est vraiment aigre dans le plein sens du terme… Aigre parce que banale et faite d’habitudes devenues des automatismes, faite de gestes, d’actes répétitifs ( ce que dans mon “jargon” j’appelle “des bintzeries quotidiennes ) … Aigre, aussi, dans la relation des gens entre eux, dans le rapport entre les dominants et les dominés…
Mais le personnage principal cependant, on le pressent déjà en cours de lecture et cela est encore plus net vers la fin, s’il mène et s’il subit cette vie aigre… N’est pas pour autant un personnage aigri, nous apparaît en témoin de son temps… Et dès lors, le sens profond – essentiel – de ce livre, s’impose de lui-même : la vie est bien aigre, aigre comme du mauvais vinaigre, mais elle est ce qu’elle est dans sa réalité, elle peut même être belle, simple, ordinaire oui mais belle… (Alors, les tendances ou les modes ou les engouements “pseudos artistiques ou pseudos intellectuels” ne sont plus qu’ “insipides foutaises”)…
… La vie aigre, donc, en 1962… En Italie, en France, en Amérique… Dans le monde, dans le ton, dans la culture du monde… De 1962…
Et la vie aigre, encore et toujours, en 2021… Dans le monde développé mondialisé consumérisé… Dans le ton, dans les modes, dans une culture devenue acculturée… De 2021…
La vie aigre… Mais telle un tableau raté, laid, décoloré, duquel il est possible néanmoins, d’extraire de la beauté… À condition de ne point s’aigrir intérieurement, de ne point sombrer dans l’amertume, ou dans le regret, dans la nostalgie d’un monde qui n’a en fait jamais existé, qui nous semblait “meilleur” – qui l’était peut-être par certains côtés, mais ne l’était pas vraiment…
… Ce livre étant difficile à se procurer ( il n’existe qu’en seulement 2 ou 3 exemplaires encore disponibles chez Rakuten et… “chez Amazon – mon grand copain” – vous avez tout de suite deviné chez qui je l’ai acheté – rire”) …
J’en reproduit en partie la page 219 – qui me semble assez emblématique on va dire – quoique tout le livre en fait, soit emblématique dans son ensemble et dans chacune de ses lignes…
Voici :
“… Mais dans la ville même ce n’est pas du brouillard.
C’est plutôt une fumigation rageuse, une flatulence d’hommes, de moteurs, de cheminées, c’est de la sueur, c’est une odeur de pieds, c’est de la poussière soulevée par les talons des secrétaires, des putains, des représentants, des statisticiens, des P.R.M, des sténo-dactylos ; c’est une haleine de dents gâtées, d’estomacs ulcéreux, de tripes engorgées, de sphincters constipés ; c’est une puanteur d’aisselles désodorisées, de cons vacants, de bites en chômage.
.../… Le vent.../… Il arrive et il balaye la coupole chargée de suie. Pendant quelques heures, tu as l’impression d’avoir mis des lunettes ; le dessin des maisons devient net, les lumières, le soir, se font brillantes ; tu vois même les étoiles et le mont Rosa de ton balcon.
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