Histoires yugcibiennes, suite 2

 

LE PETIT CHAT

 

            C’était un petit chat tigré, couché sur le dos au milieu d’un grand lit. Ce petit chat avait un ventre dur et enflé comme un ballon, avec une longue plaie ouverte et suintante.

Tout le milieu du lit depuis le traversin, était imprégné d’un liquide visqueux et graisseux qui traversait le matelas et coulait goutte à goutte sur le plancher.

Depuis plusieurs jours le petit chat allongé suait en abondance de sa plaie abdominale et son ventre continuait d’enfler.

Un homme entra dans la chambre tenant à sa main une grosse serviette de cuir… Cet homme était le gérant d’un magasin de tondeuses et de tracteurs de jardin, et faisait office de vétérinaire voire de médecin… Le petit chat en fait, était comme un enfant malade.

L’homme s’approcha du petit chat, palpa son ventre, sortit de sa serviette un petit canif dont il passa la lame à la flamme d’un briquet. Il écarta les lèvres tuméfiées de la plaie, agrandissant ainsi l’ouverture et appuya très fort avec ses poings refermés sur le ventre du petit chat.

Une matière incolore, gluante, chargée de débris noirs et de morceaux d’organes en décomposition, s’échappa en abondance de la plaie largement ouverte.

Une femme qui se tenait là, près de l’homme, avait tendu une cuvette qui fut très vite remplie.

Et par l’ouverture démesurément élargie de la plaie, l’on pouvait voir tout l’intérieur du petit chat : les intestins, le foie, les reins, la cage thoracique… Tout cela paraissait illuminé comme dans une grotte éclairée de puissants projecteurs.

Le petit chat n’était pas mort… Il fixait les personnes présentes de part et d’autre du lit, bien étrangement, d’un regard étonné d’enfant malade, et ne gémissait pas… Il demeurait allongé au milieu du lit, avec ses petites pattes recourbées et dressées, au poil huileux… Le ventre était maintenant dégonflé.

L’homme repartit, ainsi que la femme qui avait tendu la cuvette et toutes les autres personnes venues là, on ne savait pourquoi…

L’on n’a jamais su s’il mourut, s’il guérit ni ce qu’il devint, le petit chat…

 

 

BERENICE A LA MAISON DE RETRAITE

            Bérénice à la maison de retraite se laissait pousser les ongles et remuait la terre d’un massif de fleurs chaque fois qu’elle propulsait son fauteuil roulant dans la grande allée du parc.

Autrefois en ce lieu l’on exploitait une mine de fer à ciel ouvert et la terre était noire, lourde, imprégnée de poudre de minerai.

Les ongles de Bérénice devinrent durs, métalliques, crasseux, noirs, pointus et recourbés comme des griffes, tant elle remuait la terre de ses doigts…

Bérénice autrefois, avait été une star, une étoile du monde, avec une chevelure flamboyante et un visage ravissant… Et aujourd’hui âgée de 92 ans, pensionnaire en maison de retraite médicalisée ; déchue de son pouvoir, elle faisait caca sous son fauteuil quand on l’embrassait, s’enhardissait de grimaces, de noires œillades et de pincements furtifs auprès des filles de salle, du jardinier, du cuisinier et des infirmières de nuit.

Lorsque l’on évoquait sa gloire passée, que l’on lui parlait des gens qu’elle avait rencontrés, de ses succès et de ce qu’avait été sa vie ; elle pétait bruyamment, lançait un rot caverneux ou levait un doigt en l’air, les autres doigts repliés… Si on lui montrait la couverture d’un magazine qui la représentait alors, elle vous arrachait des mains le magazine et le déchirait en petits morceaux, avec rage…

Un jour, elle ouvrit la cage du canari, dans le hall d’entrée de la maison de retraite, se saisit de l’oiseau, le serra comme pour le broyer dans sa main et l’embrocha avec une aiguille à tricoter.

Un autre jour, elle creva de l’un de ses ongles recourbés, l’œil d’un enfant de six ans venu lui apporter un bouquet de fleurs…

A LA NOCE, TALGY...

 

            -Tu vas à la noce, Talgy ?

            -Non, Tale Caffard, cela me rappellerait trop mon enterrement !

            -Quoi ? Ton enterrement ? Mais tu es bien vivant !

            -Oui, Tale, j’ai organisé mon enterrement mais je ne mourus point !

            -Et comment as-tu fait, Talgy ?

            -J’avais un sosie : c’est lui qui est mort ! Moi, je me suis pointé déguisé et méconnaissable, sous une fausse identité, à l’enterrement… Je m’appelais Firmin Hémémin.

            -Il était bien cet enterrement ?

            -Oh oui, super ! Y’avait des filles et des jeunes femmes chic, et j’ai eu tout debout à l’église, serré entre deux ravissantes féminités, le plus grand régal de ma vie, lorsque l’on chantait « cela est juste et bon »…

            -Alors tu devrais aller à la noce, Talgy ! C’est pareil qu’aux enterrements ! Il y a des filles et des femmes chic.

            -Oui, mais le problème c’est que depuis l’été dernier, soit un an après mon enterrement, suite à une « opération délicate » on m’a mis une prothèse de kiki… Tiens, regarde…

[Talgy déboutonne sa braguette et exhibe l’œuvre de la science médicale : un appendice constitué d’une matière flexible]

…Comment veux tu qu’avec cet « engin » je puisse « arquer » ?

            -Mais dans ta tête, Talgy, tu ne t’en fais pas des fêtes, de toutes ces jeunes femmes en chic et en noir ?

            -Dans ma tête, Tale ? Tu rigoles ! Si tu crois ce que raconte ce Youssibe… Tu sais, cet illuminé qui prétend qu’on peut « radadadiser » rien qu’avec de la pensée ? Oh, purée ! Même si la « pensée » est sublime, ça vaudra jamais « au vrai de vrai » ou tout au moins sans prothèse phallique… Alors tu vois la noce, Talgy… Autant qu’on m’enterre pour de bon, parce que le défilé de femmes et de filles chic me filerait plutôt le bourdon… de ne point me mouiller tout debout à l’église, serré entre deux féminités…

LE CULTE DE LA DIFFERENCE

 

            Dans toute la confédération des Planètes Autorisées, l’on dénombrait environ cent milles races différentes de cette espèce dominante appelée les Humanuscules, sur la plupart des mondes également habités par plusieurs centaines de milliards d’autres espèces vivantes.

Le groupe central des galaxies reconnues et explorées effectuait sa révolution autour d’un noyau de particules qui semblait se condenser à l’infini. Depuis une durée de 3000 révolutions, les Planètes Autorisées formaient une confédération née d’un mouvement socio culturel généralisé. Le Culte de la Différence alors, fédéra cent mille races d’Humanuscules sur des milliers de planètes.

Sur certains mondes l’on dénombrait jusqu’à 40 races différentes. Comment d’aussi innombrables cultures, de langues écrites et parlées, de modes de vie si divers ; avaient-ils pu former cette mosaïque de peuples sur les planètes de douze galaxies, comme autant de vitraux illuminés de cent mille cathédrales par le feu des étoiles ?

C’était bien là, le secret du Culte de la Différence, cette nouvelle idéologie apparue au bout de cinq milliards de révolutions et d’une somme d’expériences traversées par des milliards de générations d’Humanuscules.

Dans le Grand Livre de la Connaissance Universelle, il fut un jour écrit par un Humanuscule habitant une planète appelée La Terre :  « C’est par l’observation de tous petits êtres, les fourmis, que finit par germer dans l’esprit de quelques chercheurs une idée très simple : l’idée selon laquelle devant le pire danger ou les pires difficultés qui soient et affectant la communauté toute entière, les êtres vivants (en l’occurrence les fourmis) pouvaient se regrouper, s’organiser, assurer leur survie et donc la continuité de leur espèce… »

En effet un groupe de biologistes avait noté la réaction immédiate des survivants d’une colonie de ces petits insectes après l’incendie de leur « cité »… Un Humanuscule venait par jeu de brûler une énorme fourmilière, après en avoir d’ailleurs brûlées plusieurs autres dans le même espace boisé où il se promenait habituellement. C’était là un geste gratuit qui n’avait eu d’autre motivation que le plaisir de détruire.

Parfois il arrivait qu’un incendie naturel se déclare. Mais l’un des chercheurs du groupe de biologistes s’était aperçu que les fourmis ne réagissaient pas de la même manière selon la cause de l’incendie. Lorsque l’incendie n’avait pas une cause naturelle reconnue de la communauté,  que la destruction survenait rapidement, de manière très violente et imprévue ; que la disproportion était plus importante entre la brutalité de l’évènement et l’insignifiance des moyens de défense ; alors plus les perceptions sensorielles, la transmission de messages visuels ou olfactifs semblaient ouvrir à ces insectes un espace de communication leur permettant de se « relier » entre eux. En fait ce qui les « reliait » s’apparentait à une nouvelle forme « d’intelligence »… Et très vite, les fourmis reconstituaient la base d’une nouvelle « cité ».

Il arriva un jour que des fourmilières résistèrent aux flammes et notamment aux flammes provoquées par l’explosion de gaz ou de substances volatiles toxiques.

Les Humanuscules, ceux de la Terre et ceux des autres mondes en ce temps là, et durant des milliers d’années encore, vécurent dans l’ère de la Non Différence, subissant la diversité comme une calamité universelle qui jamais selon leur entendement, ne serait en mesure de les unifier.

Cependant, les idées développées par quelques chercheurs, intellectuels, scientifiques, biologistes, suite aux découvertes faites sur le comportement des insectes, firent leur chemin en traversant plusieurs générations d’Humanuscules jusqu’à ce grand bouleversement socio culturel, philosophique et scientifique qui s’appuya désormais sur le « Collectivisme Eclairé » et le Culte de la Différence.

Mais depuis 3000 révolutions quelques groupes d’Humanuscules demeuraient farouchement opposés au Culte de la Différence et se régénéraient sans cesse sur presque toutes les Planètes Autorisées sans jamais cependant constituer une force capable d’inverser  le nouveau mouvement universel.

Tous ces partisans de la Non Différence prétendaient que plus grande était la diversité, et donc plus généralisé et dominateur le Culte de la Différence, moins la maîtrise de l’univers connu serait possible dans l’avenir… Pour réduire la diversité selon eux, il fallait la briser, la concasser dans l’uniformité, en éliminer les éléments les moins assimilables, et à cette fin, revenir à l’ordre qui prévalait il y a plus de 3000 révolutions…

            Au-delà des dernières galaxies répertoriées, à la périphérie des lointaines « banlieues » de l’Amas Principal et de ses galaxies satellites, s’étendait l’incommensurable, l’inconnu… Peut-être un ou plusieurs univers…

L’on savait déjà que « là-bas », toutes les lois de la mécanique céleste n’avaient plus cours – Y avait-il seulement des lois ?- Qu’en était-il donc de la gravitation universelle ; de la naissance, de l’évolution et de la disparition de la vie végétale ou animale sur des mondes qui n’étaient plus des mondes mais plutôt de gigantesques pulsations de cœurs alternativement sombres ou lumineux palpitant en un rythme irrégulier… Est-ce que tout cela avait un sens ? N’était-ce pas absurde ?

Comme si un « Dieu » inexpérimenté, une espèce de « créateur » féru de connaissances incomplètes et aussi maladroit qu’un apprenti alchimiste ayant trop tôt quitté son maître ; avait créé cet univers « avorté »…

C’est là ce que ressentaient les Humanuscules lorsqu’ils s’aventuraient au-delà des dernières galaxies.

Et il y avait ces « Planètes Non Autorisées », ces mondes inidentifiables en perpétuelle mouvance désordonnée, qui pulsaient comme des cœurs de pieuvre, au sol mouvant, à l’atmosphère changeant de couleur en un instant, à la rotation saccadée…

Des formes de vie s’y seraient paraît-il développées ? Mais quelles formes de vie ? Selon quelles lois dans une telle instabilité ? Sur ces mondes, si la vie était venue, elle aurait en fait « avorté ».

Ce que l’on savait par les rares sondes spatiales revenues à leur base, c’était que ces formes de vie décelées, micros ou macros organismes, semblaient se comporter sans aucune autonomie, évoluant au hasard de rencontres fortuites, ou vivant par procuration, utilisant ou reproduisant des cellules d’autres organismes… Etaient-ils, ces « êtres », comme des virus ? Mais des virus encore plus étranges que ceux que l’on avait tout récemment répertoriés sur les Planètes Autorisées ?

Ces organismes étaient de toute évidence incomplets, peu adaptés à l’environnement dans lequel ils évoluaient, et totalement dépendants de l’existence d’autres organismes. Une dépendance d’ailleurs, qui n’obéissait à aucun principe logique. Se reproduisaient-ils par division ou par multiplication du noyau cellulaire ? Si toutefois l’on pouvait appeler « noyau », ce « solénoïde » microscopique pulsant comme les anneaux d’un ver, se divisant en anneaux plus petits ou se multipliant à vitesse variable, empruntant une partie de la substance d’un autre « noyau » tout en rejetant lui-même une partie de sa propre substance !

            Alors les Humanuscules, toujours plus nombreux et encore plus diversifiés sur leurs « Planètes Autorisées » se posèrent une question qui devint de jour en jour plus préoccupante dans leur vie : « Existe-t-il des limites au-delà desquelles le Culte de la Différence n’est plus envisageable ? Le concept de diversité peut-il intégrer aussi ce qui est situé au-delà de tout ce qui entre dans cette diversité ? L’apprenti alchimiste doit-il retrouver son maître qu’il a quitté ou perdu… Ou peut-il devenir lui-même son propre maître par ses « élucubrations créatrices » ?

AU SUJET DU CULTE DE LA DIFFERENCE...

Le mot « race »



      Le mot « race »... Est un mot que je n'aime pas! J'ai cherché un autre mot qui soit un synonyme de "race" et voici ce que j'ai trouvé... Dans un dictionnaire :
ancêtres, ascendance, branche, classe, couche, couvée, descendance, dynastie, engeance, espèce, ethnie, extraction, extrance, famille, filiation, fils, génération, graine, hérédité, héritiers, ligne, lignée, maison, origine, postérité, rejetons, sang, sorte, souche, tige, agnats, cognats, estoc, gent, hoirs, lignage, parage, parentage...
Cela fait beaucoup de termes!
J'avais déjà employé dans mon texte le terme "espèce"...
Pour "race" j'aurais pu écrire "ethnie"...
Quand on dit "race" on pense inévitablement "qui n'est pas pareil"... Et dans ce "qui n'est pas pareil", il y a l'idée selon laquelle un être parce que la couleur de sa peau est différente, peut aussi avoir des "caractéristiques" différentes : intelligence en particulier... C'est pourquoi je n'aime pas ce mot "race" (qui semble hélas, encore de nos jours, définir arbitrairement ou selon des "études" faussement fondées scientifiquement, des "caractères" particuliers portant sur des capacités ou sur l'intelligence)
Dans mon esprit il n'y a pas, il n'y a jamais eu, de "races" au sens de ce que le terme de "race" implique dans l'entendement humain même si cet "entendement" aurait relativement évolué...
"Ethnie" me semblerait plus approprié... Et donc, moins ambigu (car plus proche de "être" (humain ou autre)
Ce "culte de la différence" que j'évoque, est en fait dans mon esprit : une reconnaissance absolue et inconditionnelle de la diversité... Et, finalement, de l'unité si je puis dire, qu'il y a dans la diversité même...
Par contre, la "non différence" c'est le refus de la diversité, c'est l'obligation par la force et contre volonté qui est faite aux êtres par d'autres êtres, de l'uniformité... Et dans l'uniformité selon moi, il ne peut y avoir d'unité puisque l'unité ne peut exister toujours selon moi, que dans et par la diversité même... Et plus grande est la diversité, plus l'unité est l'unité aussi...
L'unité c'est l'univers (ou les univers) tout entier... L'univers (ou les univers) emplis de diversité...
L'uniformité imposée est un non sens, une aberration, une absurdité, un "avortement" de la vie et des êtres, une "élucubration alchimiste" de "sorcier qui se prend pour Le Créateur (ou Dieu)...
Si Dieu existe, je pense que Dieu a voulu la diversité des êtres vivants, le libre arbitre pour l'être humain ou pour toute autre créature qui lui serait voisine...
Si Lucifer existe, je pense que Lucifer a voulu, au contraire, par opposition à l'oeuvre de Dieu, l'uniformité par la contrainte (ou par la séduction), et l'absence du libre arbitre afin que les êtres ne puissent jamais choisir, mais toujours subir... Parce que dans le "plan luciférien" la "lumière" le "bonheur" la "vérité" ne sont possibles que par la contrainte d'une voie à suivre "tracée d'avance" et jalonnée de toutes sortes de "piquets", de "repères", d'"oasis", de "jardins", de "parfums", de "visages", d"'incantations", de "totems"...
          [A propos du culte de la différence… Voir Histoires Yugcibiennes]




LE PROCESSUS DE CREATION D'UN ETRE NOUVEAU



...Le processus de création d'un être nouveau (et unique) impliquant l'union de deux êtres non seulement de sexes opposés mais différents, n'est pas "imposé" : c'est un processus naturel qui est en fait la "matrice" de la diversité à venir, des êtres...
En ce sens, je suis naturellement, scientifiquement et philosophiquement opposé à toute intervention "alchimiste" de l'être humain en particulier, visant à modifier, changer ce processus naturel ou à en créer un nouveau. Je ne conçois que des manipulations "correctrices" pour des raisons purement médicales et pouvant sauver des êtres qui, du fait d'un lourd handicap, seraient condamnés...
Si Dieu existe, il n'a RIEN imposé : il a créé! ... Mais à mon sens, en tant que "scientifique" de nature, en tant que poète, écrivain, intellectuel et penseur, et quoique je reconnaisse que "croire en Dieu" et "avoir un esprit réaliste et scientifique" soient compatibles ; je pense que "Dieu" c'est la nature, l'univers, toutes les choses et les êtres, et tout cela de la manière dont ces êtres et ces choses fonctionnent selon divers "processus" (pouvant d'ailleurs évoluer d'eux-êmes en fonction de leur environnement)... C'est donc à mon sens la nature même, dans son ensemble, qui est le Créateur... Et bien sûr les êtres vivants, tous les êtres vivants, participent à cette Création en tant qu'auteurs engendrés pouvant produire une oeuvre, une oeuvre de vie et d'expérience vécue. Et puisqu'il y a un très grand nombre d'auteurs, il y a aussi (et naturellement) une très grande diversité...

 

 

 

 

 

 


 

LA CITADELLE

 

            Etre du monde c’est comme être de la citadelle où l’on demeure, se déplacer dans les rues de la citadelle, suivre les indications affichées sur les panneaux, se sentir citoyen de la citadelle, être « bien dans sa peau » à l’intérieur de ses murs…

Mais l’on peut être dans le monde, dans les murs de la citadelle, sans cependant être du monde ou de la citadelle…

De ceux qui ne sont pas de la citadelle, il y en a qui  vivent à l’intérieur de ses murs mais ne lisent pas les panneaux et n’élisent aucun parti…

Il y en a qui vivent aux pied des murs extérieurs, sur les terrains aux alentours ; soit parce qu’ils ont été exclus de la communauté, soit parce qu’ils ont souhaité quitter la citadelle alors qu’ils n’avaient pas la possibilité de s’en éloigner vraiment…

D’autres ont établi des campements, à quelque distance de la citadelle : ceux là s’apprêtent sans doute à construire une autre citadelle…

Et il y a enfin, très loin de la citadelle, ceux qui marchent, sont sur toutes les routes et ne sont d’aucune citadelle… De ceux là, de ceux qui marchaient et bivouaquaient, j’en ai rencontré qui me disaient : « La citadelle est située vers le Grand Sud… » Ou : « C’est vers le Nord qu’il faut la chercher »… Ou encore : « La citadelle est de l’autre côté de cette montagne là »…

Et je leur répondais à tous ces gens, que je ne cherchais pas la citadelle, mais des visages…

LA CHEVRE ET LE CHOU... Ou "histoire sans fin..."

Le problème entre la chèvre et le chou, c’est que si tu veux du chou à midi pour accompagner tes saucisses, il te faudra attacher ta chèvre afin qu’elle ne broute pas le chou…

Tu me diras : « Oui, mais avec mes saucisses, je peux faire des pâtes »… Et dans ce cas-tu laisses la chèvre brouter le chou.

Ce qui est sûr, c’est que si le chou avait des yeux ; la chèvre et le chou ne passeraient pas trois heures à se regarder dans le blanc de l’œil…

Tu peux aussi, si vraiment tu veux du chou à midi, et ne pas attacher ta chèvre afin qu’elle puisse cavaler à sa guise dans ton jardin (et oui, toi qui est pour la liberté) placer un grillage sur les choux… Mais ta chèvre broutera tes épinards et tes salades.

De toute manière, quand tu auras cueilli le chou, il te faudra replacer tout de suite le grillage sur le plan de choux, ou sur le plan d’épinards ou sur tous les autres plans, selon ce que tu veux, toi, manger à midi ou selon ce que tu conçois que ta chèvre broute (le chou, les épinards, les salades ou rien)… Ou te résoudre à attacher la chèvre si tu veux encore bouffer du chou ou des épinards.(Mais dans ce cas, la chèvre perd sa liberté)…

Au bout du compte viendra un jour où tu auras tout bouffé. Et tu devras alors refaire des plans.

Quant à la chèvre, comme tout être de ce monde, elle mourra… Et si tu es romantique c’est de vieillesse (ou de maladie) qu’elle mourra, parce que jamais tu n’en feras un méchoui.

Tu devras quand même en plus de renouveler tes plans, racheter un jour une chèvre si tu veux toujours avoir une chèvre.

Bien sûr, si tu es à la fois romantique et pragmatique, tu peux traire la chèvre chaque jour pour en boire le lait ou faire des fromages…

On le voit bien : cette histoire de chèvre et de chou n’a pas de fin…

Et sur le « plancher des vaches », par les temps qui courent ça commence à sentir le roussi…L’on se demande bien si la chèvre, le chou et l’humain pourront encore longtemps, vivre de ce qui vient du « plancher des vaches »…

LA CHAUVE SOURIS

 

            Moi, chauve souris au pays des souris, où j’ai montré mes dents pour « prouver » que j’étais une souris…

Merde ! J’y volerais bien comme un oiseau quand les souris dorment !

Et au pays des oiseaux où j’ai montré mes ailes pour « prouver » que j’étais un oiseau…

J’y grignoterais bien du fromage lorsque la nuit venue, dorment les oiseaux dans les arbres.

Mais seulement voilà… Au pays des souris où dansent tout le jour (et même la nuit) les souris au pied des buffets et dans les allées des jardins, je m’y ennuie d’attendre que les souris s’endorment, d’autant plus qu’elles ne s’endorment jamais toutes en même temps, de jour ou de nuit…

Je pourrais cependant, au pays des souris où je ne puis franchement voler comme un oiseau, laisser entendre à des souris peu futées, que je suis une souris volante… Mais il faudrait que les souris peu futées, m’ayant aperçu volant, ne disent jamais aux souris rusées que j’étais au vrai une « drôle de souris »…

Et, au pays des oiseaux, comment y vivre une vie de chauve souris, qui n’est ni une vie de souris, ni une vie d’oiseau ?

Ils ont des becs, les oiseaux. Certes, avec un bec on peut aussi piqueter du fromage. Mais je ne puis tout de même laisser entendre à l’oiseau qui becte le fromage, lui et moi juchés sur un Emmenthal, que je suis un « drôle d’oiseau » avec des ailes et pas de bec…

Si l’oiseau est peu futé, il me croira peut-être. Et s’il est rusé, il me dira « montre moi tes serres et fais la roue »…

Chauve souris, mon pays c’est celui où je vis la tête en bas en dormant et les ailes déployées les soirs d’été au dessus des allées des jardins. Et, dans le pays des souris comme dans le pays des oiseaux, l’on n’y peut vivre, chauve souris, ni en souris ni en oiseau…

L'ARBRE CHARGE DE PETITS SINGES

Moko, le singe de la brousse, ne comprenait pas que la plupart de ses congénères puissent passer leur vie entière juchés sur les branches des arbres. Et il en était un, de ces arbres, plus chargé encore de petits singes que tous les autres arbres…
Etait - ce cet « Arbre Roi » aux vertus plus supposées que réelles, dont on disait qu’il avait les faveurs du Ciel et les branches plus solides? Sans doute pas, puisque les petits singes semblaient tous figés dans une immobilité permanente, tristounets et silencieux…
Dans l’Arbre Roi ils se grattaient, s’observaient, se retournaient, se masturbaient ou se sentaient entre eux leurs humeurs…
Dans l’Arbre Roi il n’y avait pas plus de fruits, pas plus de feuilles que dans les autres arbres…
Un jour Moko se mit à secouer l’Arbre Roi, espérant faire tomber les petits singes tristounets et immobiles…
Et les petits singes s’agrippèrent aux branches qu’ils serrèrent fermement dans leurs mains. Ils refusèrent de tomber. Certains d’entre eux crièrent, d’autres pissèrent sur Moko… D’autres encore se sentant fort bien juchés ne bougeaient pas et ressemblaient à de petits ours en peluche, le derrière collé à la branche qui balançait…
Moko revint un autre jour secouer l’Arbre Roi… Il secoua plus fort et plus longtemps. Aucun petit singe ne tomba…
Alors Moko décida de passer ses journées entières et même des nuits, à secouer l’Arbre Roi ainsi que les autres arbres… Il n’arrêtait de secouer que pour dormir et manger…
Moko secoua des jours, des nuits, des semaines, des mois… Et aucun petit singe ne tombait…
Moko secouait à la longue, comme s’il jouait de la musique, inventait un rythme…
Un jour un petit singe tomba, puis d’autres encore. Ils tombèrent tous à l’exception des « petits ours en peluche » et des « pisseurs enragés » dont l’urine brûlait la peau de Moko.
Les petits singes tombés furent tous très surpris parce qu’ils n’avaient ni mal au dos ni au derrière… Ils virent la grande brousse qui s’étendait à perte de vue, se dispersèrent seuls ou en groupes, ils n’étaient plus aussi tristes qu’avant, juchés sur les branches de l’Arbre Roi.

 

AUTO CONTRE VELO OU VELO CONTRE AUTO?

    Un cycliste traverse la ville… Après le pont, la rue principale de cette ville est en légère pente et sur la gauche en descendant vers la maison de la presse, il y a un virage sur lequel débouche à droite une rue étroite à sens unique…
Le cycliste selon son habitude, se rendant à la boulangerie depuis la maison où il habite à la sortie de la ville, est lancé à vive allure et aborde le virage…
A cette heure avancée de la matinée, au moment de la sortie des écoles, la circulation est dense et les embouteillages sont fréquents dans la rue principale que cherchent à rejoindre les automobilistes venus de la petite rue adjacente débouchant sur le virage.
Une auto surgit, conduite par une femme qui s’engage dans la rue principale sans avoir aperçu ce cycliste lancé à pleine vitesse… Mais le cycliste a bien vu cette auto ralentir et s’est dit « elle ne va tout de même pas s’engager et me couper la route! »
Le cycliste freine cependant afin de réduire sa vitesse mais ne s’arrête pas pour laisser passer l’auto car derrière lui arrivent d’autres voitures qui devraient nécessairement freiner brusquement…
Le cycliste vient de réaliser en une fraction de seconde, que le choc est inévitable et qu’il va tomber, être blessé…
Par quelque hasardeuse… Et heureuse acrobatie le cycliste parvient à se maintenir en équilibre, glisse devant le pare choc de la voiture sur lequel cogne son pied droit, et sa main droite s’appuie en même temps sur le capot de la voiture… Avec autant de violence que de détermination.
Le cycliste s’arrête enfin à deux mètres environ, se retourne et aperçoit la femme au volant, toute surprise et exprimant son regret… Mais d’un regret qui semble dire « je n’avais pas vu! »
Le cycliste est fou de rage, fou d’une de ces colères spontanées qui vous viennent ainsi, irraisonnées, comme surgies de ces « bas fonds » sommeillant tapis au fond de soi telle une horde cachée de bêtes sauvages…
Il crie, insulte la femme, brandit un poing et prend à témoin une autre femme traversant juste à ce moment là sur le passages des piétons. « Quelle connarde celle là! »
Et le cycliste s’enfuit, poursuivant sa route, laissant derrière lui cette voiture arrêtée, conduite par la femme qui « n’avait pas vu ».
Deux visages se sont croisés : l’un était noir comme le trou d’un cabinet sale et jetait un feu tout aussi noir ; et l’autre était une île de lumière désolée par une bourrasque inattendue…
Sans doute cette femme conservera-t-elle de ce cycliste l’image d’un être abject et pourra-t-elle d’ailleurs mettre un nom sur son visage? Si tant est que ce visage ne lui serait pas inconnu et que de surcroît elle l’aurait identifié, ayant tout à fait par hasard « zappé » sur son site ou sur son blog?
Si ce personnage surgi dans la vie de cette femme d’une manière aussi violente et dévastatrice, avait pu se douter, juste au moment de l’explosion de sa colère, qu’il pouvait être reconnu ; la colère aurait-elle explosé?
Dans la ville où il demeure, ce « cycliste abject » sans doute très différent là où voyage son esprit et son cœur (c’est-à-dire sur la Toile)… n’a pas comme on dit « pignon sur rue »… Il n’est donc pas connu tel le « loup blanc » et de ce fait, la « bête » en lui rompt l’entrave qui la retient et montre ses dents, en un coup de fièvre et de chaud lors d’une confrontation auto/vélo…
Pour conclure je me demande si la « bête » peut arriver à rompre l’entrave qui la retient, lorsqu’il n’y a, autour du « cycliste »… Que de vrais amis ou des personnes sachant QUI est-ce « cycliste »? Ou alors si dans un environnement de gentillesse et de reconnaissance où tu ne peux plus faire un pas dans la rue sans qu’on sache « que c’est toi »… La « bête » n’est pas si entravée, si muselée, qu’elle ne peut plus se libérer?
… Mais, mais… Au fait : pourquoi des personnages si « crédibles », si « vénérés », si « connus », si talentueux, si « agissant au mieux »… Peuvent-ils parfois être de « parfaits salauds »?
Peut-on « se permettre » d’être parfois un « parfait salaud »…Parce qu’on n’est qu’un « être Lambda »?


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

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